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HARMER, BERTHA (à sa naissance, elle reçut le prénom d’Albertina), infirmière, enseignante, auteure et administratrice d’université, née le 22 mars 1880 à Port Hope, Ontario, l’une des sept enfants de John Harmer, menuisier, et d’Albertina Scott ; décédée célibataire le 14 décembre 1934 à Toronto.
Bertha Harmer s’installa à Toronto avec sa famille au cours de sa jeune adolescence. Elle y fréquenta la Lord Dufferin Public School et le Jarvis Street Collegiate Institute. On la considérait comme une étudiante sérieuse qui adorait la lecture. Elle eut d’abord l’intention de se tourner vers l’enseignement, à l’instar de ses deux sœurs, mais, à sa sortie de l’école secondaire, elle travailla plutôt comme caissière et teneuse de livres pour la William Davies Company Limited [V. William Davies*], firme de transformation et d’emballage de porc, de 1902 à environ 1910. Une secrétaire remarqua son potentiel et la convainquit d’entreprendre une carrière d’infirmière. Mlle Harmer avait à peine 30 ans quand elle intégra la Toronto General Hospital Training School for Nurses ; au Canada, la formation des infirmières ne s’effectuait alors que par l’entremise de programmes en milieu hospitalier. Mary Agnes Snively, qui prit sa retraite cette année-là après plus de 25 ans passés à titre de surintendante, avait établi des normes élevées pour cette école dotée d’une excellente réputation. À la fin de ses études en 1913, Mlle Harmer arriva première de sa classe de 40 élèves. Son habileté à transmettre son savoir se manifesta rapidement ; elle enseigna deux ans à l’hôpital, tout en y assumant des tâches infirmières et administratives.
En 1915, Mlle Harmer s’inscrivit au Teachers’ College de la Columbia University de New York, où on avait mis sur pied, en 1899, le premier cours universitaire en soins infirmiers aux États-Unis. Un tel programme ne verrait pas le jour au Canada avant 1919. Pendant ses études, Mlle Harmer travailla comme infirmière et instructrice au St Luke’s Hospital. À l’été de 1918, après avoir obtenu un baccalauréat en administration et en enseignement des soins infirmiers, elle donna des cours au Vassar Training Camp for Nurses, programme expérimental de formation accélérée des infirmières instauré dans le contexte de la Première Guerre mondiale. De 1918 à 1923, elle enseigna à temps plein au St Luke’s Hospital. Parallèlement, elle écrivit un manuel intitulé Text-book of the principles and practice of nursing, publié à New York en 1922. Fondé sur son vécu et son savoir universitaire, surtout en physiologie, ce texte à la fois théorique et pratique ferait autorité pour des générations. Trois éditions parurent du vivant de Mlle Harmer, et trois autres ensuite. Son nom ne figure plus comme auteure à partir de la sixième édition, publiée en 1976, bien qu’on lui reconnaisse ce statut, au verso de la page de titre, pour l’original. Différentes éditions firent l’objet de traductions en plusieurs langues, dont le français, l’espagnol, le néerlandais, le suédois, le japonais et le chinois.
De 1923 à 1926, Mlle Harmer fut professeure adjointe à la nouvelle Yale University School of Nursing de New Haven, dans le Connecticut, et surintendante adjointe des infirmières au New Haven Hospital. Son départ de Yale coïncida avec la publication, à New York en 1926, de son premier manuel d’enseignement de soins infirmiers, Methods and principles of teaching the principles and practice of nursing. Grâce à ses deux ouvrages, Mlle Harmer acquit la réputation de spécialiste dans son domaine. Au même moment, elle commença à éprouver des ennuis de santé qui l’accableraient jusqu’à la fin de sa vie. Malgré tout, elle retourna au Teacher’s College de la Columbia University, où elle obtint, en 1927, une maîtrise ès arts en administration.
En mars 1928, Mlle Harmer accepta la direction de la School for Graduate Nurses de la McGill University, à Montréal, après la mort soudaine de Flora Madeline Shaw*, première directrice de l’établissement. Au Canada, l’enseignement supérieur en soins infirmiers existait depuis neuf ans à la University of British Columbia, premier établissement à offrir un programme sanctionné par un baccalauréat. L’année d’après, cinq universités canadiennes lui emboîtèrent le pas, dont McGill, qui proposait un certificat d’un an et un diplôme de deux ans. Son cursus se concentrait principalement sur l’enseignement, la supervision et l’administration dans les écoles de soins infirmiers, et secondairement sur les services infirmiers de santé publique. La majorité des étudiants y suivait le certificat d’un an et les services infirmiers de santé publique se révélèrent presque aussi populaires que l’enseignement.
Dès sa création, l’école avait eu l’intention d’offrir un programme menant à un baccalauréat, dont l’implantation aurait dû s’accélérer avec l’arrivée de Mlle Harmer. Après la sortie de la deuxième édition de son Text-book, en 1928, celle-ci, pleine de confiance, commença à améliorer les programmes : elle remania le cursus, embaucha de nouveaux enseignants et lança des projets. Ces mesures coïncidèrent toutefois avec le krach boursier de 1929 et le début de la grande dépression. Les promesses de financement privé ne furent jamais honorées et les inscriptions au programme de deux ans cessèrent brusquement. L’école coûtait alors très cher à l’université – une somme cumulative de près de 75 000 $ en 1932 – et le montant par étudiant atteignait presque celui dépensé pour un étudiant en médecine. En juillet 1932, le conseil d’administration de McGill décida de fermer l’école l’année suivante, à moins de pouvoir en garantir le financement privé pour les cinq prochaines années.
Mlle Harmer, que la santé déclinante clouait au lit, démarra néanmoins, avec l’aide d’anciens et d’amis de l’école, une collecte de fonds intensive menée par sir Arthur William Currie, recteur de l’université. Même si on ne parvint jamais à respecter complètement les conditions soumises par le conseil d’administration, la campagne assura la survie de l’école. Pour aider la cause, Mlle Harmer renonça à son salaire. Elle démissionna en mai 1934, convaincue que son école poursuivrait ses activités pendant une autre année. La troisième édition de son Text-book parut en juillet. En décembre, elle succomba à un cancer. Les dix années suivantes furent difficiles pour l’école – le programme serait réduit en 1936, et on n’offrirait plus que des certificats –, mais elle résista, et proposerait finalement, en 1944, un baccalauréat en soins infirmiers. Les aspirations de Mlle Harmer pour le cours de soins infirmiers, contrariées sa vie durant, se concrétiseraient dans les décennies subséquentes.
Bertha Harmer, femme complexe, possédait un ensemble d’attributs en apparence contradictoires. Sur le plan professionnel, elle était perfectionniste, dynamique, hautement motivée et dotée d’un talent évident pour s’exprimer par écrit avec force et efficacité. Elle caressait de grandes ambitions pour le métier d’infirmière, basées sur une amélioration des normes éducatives. En dépit de sa prédilection pour l’administration et l’enseignement, elle connaissait pertinemment la nécessité de montrer de la compassion et de la considération envers les patients. D’un point de vue personnel, toutefois, elle était timide et renfermée ; elle évitait les activités sociales, et préférait vivre et travailler seule. Elle aimait les livres, l’art et le théâtre. Pour reprendre les mots de l’historienne Barbara Logan Tunis, « les soins infirmiers en tant qu’art, que science et que vocation étaient sa vie ; l’avancement de l’enseignement infirmier, son but ».
AO, RG 80-2-0-148, no 21713.— SAUM, RG 64.— Geertje Boschma et al., « Bertha Harmer’s 1922 textbook – The principles and practice of nursing : clinical nursing from an historical perspective », Journal of Clinical Nursing (Boston), 18 (2009) : 2684–2691.— Édouard Desjardins et al., Histoire de la profession infirmière au Québec (Montréal, 1970).— S. B. Frost, McGill University : for the advancement of learning (2 vol., Montréal, 1980–1984).— Eleanor Krohn Herrmann, « Bertha Harmer, 1885–1934 », dans American nursing : a biographical dictionary, V. L. Bullough et al., édit. (3 vol., New York, 1988–2000).— J. R. Kerr, « Bertha Harmer and McGill University nurses fight to forestall closure of the School for Graduate Nurses during the depression », Journal of Nursing Hist. (Boston), 3 (1987–1988), no 2 : 6–21.— B. [R.] Logan Tunis, In caps and gowns : the story of the School for Graduate Nurses, McGill University, 1920–1964 (Montréal, 1966).
Peter F. McNally, « HARMER, BERTHA », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 18 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/harmer_bertha_16F.html.
Permalien: | https://www.biographi.ca/fr/bio/harmer_bertha_16F.html |
Auteur de l'article: | Peter F. McNally |
Titre de l'article: | HARMER, BERTHA |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 2019 |
Année de la révision: | 2019 |
Date de consultation: | 18 nov. 2024 |