GRAY, HENRY ROBERT, pharmacien, homme politique, inventeur et commerçant, né le 30 décembre 1838 à Boston, Angleterre, fils de Robert Gray et de Maria Smith ; le 4 juin 1861, il épousa à Montréal Catherine Margaret McGale, et ils eurent trois filles et un fils ; décédé le 18 février 1908 à Montréal.
Henry Robert Gray suit d’abord les cours de William Goodacre, célèbre auteur de manuels scolaires, à l’école de Standard Hill, dans le Nottinghamshire, en Angleterre. Il étudie ensuite la chimie et la pharmacie sous la direction de William March à Newark (Newark-on-Trent), et encore la chimie avec Henry Enfield Roscoe à Manchester. Il s’établit à Montréal en 1859, où il s’intéresse pendant quelques années à la santé publique en milieu urbain et à l’amélioration des conditions d’hygiène. En 1868, il compte au nombre des fondateurs du collège de pharmacie de Montréal, qui devient légalement en 1870 l’Association pharmaceutique de la province de Québec [V. John Kerry*] ; il en est successivement le secrétaire, le vice-président et le président de 1875 à 1877 et de 1891 à 1893. Il appartient également au Bureau d’examinateurs en pharmacie de la province de Québec, depuis sa création en 1871, jusqu’en 1882.
Conseiller municipal du quartier Saint-Laurent de 1884 à 1887 et président du bureau de santé de Montréal, Gray doit affronter, au cours des années 1885 et 1886, l’épidémie de variole qui fait 3 164 victimes à Montréal, sur une population de 168 000 habitants. En date du 16 septembre 1885, on constate que 30 variolés meurent chaque jour à Montréal, surtout de jeunes enfants, et l’épidémie ne cesse de s’étendre. Certains médecins, comme Emmanuel-Persillier Lachapelle* et William Hales Hingston, recommandent la vaccination, mais d’autres la déclarent inutile, voire dangereuse, tel Joseph Emery-Coderre*, de l’école de médecine et de chirurgie de Montréal, qui soutient que le vaccin n’a pas encore fait ses preuves ; de fait, les vaccins sont souvent altérés ou inopérants et la revaccination rarement pratiquée. Les antivaccinateurs ne sont pas tous des « retardataires » ou des « passéistes » : ils refusent la vaccination parce qu’ils estiment qu’il faut avant tout assainir les conditions d’hygiène générales et l’environnement social, préalables au bien-être de la population et principaux remparts contre la maladie.
Afin de contrer cette opposition, Gray organise une vigoureuse campagne de promotion, soutenue par la presse anglophone. Richard White, éditeur-propriétaire de la Gazette, et Hugh Graham*, éditeur-propriétaire du Montreal Daily Star, joignent leurs efforts, appuyés par le maire Honoré Beaugrand qui veille à l’application des mesures énergiques proposées par Gray : des règlements municipaux qui rendent la vaccination obligatoire et gratuite, la quarantaine des lieux contaminés, l’isolement des malades, ainsi que la poursuite des contrevenants.
À l’instar des citadins d’Europe et des États-Unis, les Montréalais, qu’ils soient anglophones ou francophones, n’aiment guère les contraintes, se méfient des nouveautés, s’opposent à l’isolement des malades et plus encore à la vaccination. Cette opposition est d’autant plus vive que des journaux comme la Minerve, la Presse ou le Monde attisent les querelles en leur donnant une coloration politique. Des médecins frappent à chaque porte pour vacciner et se font souvent maltraiter par les récalcitrants ; des affiches sont apposées sur les maisons contaminées, mais aussitôt arrachées. Ces excitations portent : à l’été de 1885, des émeutes éclatent.
Au paroxysme de la contamination, Gray organise des hôpitaux temporaires, notamment sur le terrain de l’Exposition et dans la prison des femmes de la paroisse Sainte-Brigide, transformée pour la circonstance, et insiste sur la nécessité d’isoler les variolés. Sur son conseil, un service d’ambulances se met à sillonner la ville. White et Graham se rendent à l’hôtel de ville en compagnie d’hommes d’affaires importants, dont Gray, qui fait fortune dans la vente d’un sirop dont il est l’inventeur et qui porte son nom. Le conseil municipal met Graham à la tête d’un comité d’isolement, et White à la tête d’un comité de vaccination.
Sous l’influence de Gray, mais avec d’énormes difficultés, les autorités municipales parviennent à circonscrire quelque peu l’épidémie. Les mesures prises ne s’avèrent pas très heureuses, parce que, trop radicales, elles suscitent une vive opposition dans une population peu informée et sceptique devant l’efficacité du vaccin. Cet effort pour enrayer la variole est encourageant, mais l’élimination des maladies infectieuses ne se réalisera qu’après les années 1920. Dans les années 1880, la médecine soulage les maladies infectieuses, mais ne les guérit pas. En 1886, Gray fait adopter par le conseil municipal un règlement ordonnant l’incinération des ordures ménagères. Un incinérateur est construit et un contrat d’enlèvement des déchets octroyé pour une durée de cinq ans.
En 1887, Henry Robert Gray décline l’offre d’une réélection au conseil municipal et même la fonction de maire que lui proposent plusieurs membres influents de la société montréalaise : il ne veut pas se départir de plusieurs de ses affaires commerciales, particulièrement florissantes. Nommé juge de paix en 1887 et membre du Conseil de l’instruction publique par le gouvernement, il représente ce dernier au conseil de l’École polytechnique de Montréal. Membre honoraire de la Société d’hygiène française de Paris depuis 1885, il est également administrateur à vie du Montreal General Hospital et de l’hôpital Notre-Dame. Lorsque la loi de la santé publique est adoptée en 1886, peu de temps après l’épidémie de variole, Gray est nommé membre de la Commission provinciale d’hygiène de Québec (qui deviendra deux ans plus tard le Conseil d’hygiène de la province de Québec) et y demeurera jusqu’à sa mort en 1908.
AC, Montréal, État civil, Catholiques, Cimetière Notre-Dame-des-Neiges (Montréal), 21 févr. 1908.— ANQ-M, CE1-52, 4 juin 1861.— Arch. de l’Ordre des pharmaciens du Québec (Montréal), Procès-verbaux, 1870–1875, 1890–1909.— Atherton, Montréal, 2.— Jacques Bernier, la Médecine au Québec : naissance et évolution d’une profession (Québec, 1989), 150s.— Camille Bertrand, Histoire de Montréal (2 vol., Paris et Montréal, 1935–1942), 2 : 191.— C.-M. Boissonnault, « la Lutte contre la vaccination au
Jacques G. Ruelland, « GRAY, HENRY ROBERT », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 20 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/gray_henry_robert_13F.html.
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Auteur de l'article: | Jacques G. Ruelland |
Titre de l'article: | GRAY, HENRY ROBERT |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1994 |
Année de la révision: | 1994 |
Date de consultation: | 20 déc. 2024 |