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Ewert, Heinrich H., éducateur, ministre mennonite, inspecteur d’écoles, rédacteur en chef et auteur, né le 12 avril 1855 à Obernessau (Mała Nieszawka, Pologne), fils de Wilhelm Ewert, agriculteur et ministre mennonite, et d’Anna Janz ; le 20 août 1882, il épousa à Hillsboro, Kansas, Elisabeth (Lizzie) K. Baer (décédée en 1925), et ils eurent quatre fils et une fille, puis en juillet 1926 Katie Kruse, née Krehbiel ; décédé le 29 décembre 1934 à Gretna, Manitoba.
Heinrich H. Ewert fit ses études primaires dans son village natal qui, à l’époque, appartenait à la Prusse, et ses études secondaires dans la ville voisine de Thorn (Toruń). En 1874, après que les autorités allemandes eurent imposé le service militaire aux mennonites pacifistes, ses parents émigrèrent à Hillsboro avec leurs six enfants. (Six autres enfants étaient morts en bas âge.) Heinrich H., l’aîné, étudia les arts, la théologie et la pédagogie à la Kansas State Normal School à Emporia, au Des Moines Institute à Des Moines, dans l’Iowa, et au Marthasville Seminary du German Evangelical Synod of North America à Marthasville, dans le Missouri.
En 1882, Ewert épousa Elisabeth K. Baer, originaire de Summerfield, dans l’Illinois, et commença à enseigner dans une école paroissiale mennonite, appelée Emmental, à Alexanderwohl (Goessel), au Kansas. L’année suivante, on transféra l’établissement à Halstead, où le programme d’études fut enrichi. L’école prit le nom de Mennonitische Fortbildungsschule (séminaire mennonite), mais on l’appelait communément la Halstead Academy. En 1887, Ewert, le directeur, organisa une campagne pour demander une charte de l’État du Kansas afin de transformer l’école en un collège d’arts libéraux, le Bethel College. Cette initiative entraîna un déplacement de l’école de Halstead à North Newton, en 1893, deux ans après le départ de Ewert. Le Bethel College devint le premier collège mennonite à charte d’État aux États-Unis. Durant les neuf années où il enseigna au Kansas, Ewert mit sur pied un certain nombre d’organismes communautaires, y compris, en 1886, la Mennonite Teachers’ Conference of Kansas, qui éveillait l’intérêt pour la profession.
En 1891, George Bryce, membre du conseil consultatif gouvernemental sur les écoles publiques du Manitoba, invita Ewert à prendre la direction de la Gretna Normal School, première école secondaire mennonite au Canada. Cet établissement, fondé par la Mennonite School Society et financé par des dons de particuliers, avait été inauguré en 1889, mais avait dû fermer ses portes l’année suivante après le départ de l’enseignant. Bryce offrit à Ewert de travailler pour le département de l’Éducation comme inspecteur des écoles de district mennonites subventionnées par l’État, et lui promit que la Mennonite School Society l’embaucherait comme directeur de l’école normale.
Après mûre réflexion, Ewert accepta les deux postes et entra en fonction à l’été de 1891. Il n’y avait que huit districts scolaires publics ; la plupart des villages et communautés mennonites du Manitoba avaient des écoles primaires privées. Il découvrit bientôt que même si les mennonites accordaient de l’importance à l’éducation, beaucoup d’entre eux tenaient pour suspecte la formation plus avancée offerte à Gretna. Ils craignaient aussi qu’en tant qu’inspecteur et défenseur des écoles publiques de district, Ewert serve les intérêts du gouvernement plutôt que les leurs. La question des écoles divisa l’Église mennonite Bergthaler (aussi connue sous le nom de Bergthal), dont l’évêque, Johann Funk*, présidait la Mennonite School Society. En 1893, la grande majorité de ses membres quittèrent cette communauté pour fonder l’Église mennonite Sommerfelder (aussi connue sous le nom de Sommerfeld). Seuls la Mennonite School Society, les membres de l’Église Bergthaler, dont le nombre avait beaucoup diminué, et quelques autres petites Églises appuyèrent Ewert et Funk.
Faisant fi de ses opposants, Ewert s’attela à la tâche avec enthousiasme. Sa conviction que l’enseignement supérieur était indispensable à la santé de la communauté mennonite ne fléchirait jamais, et il recruta des élèves pour l’école normale, recueillit des fonds, encouragea la création d’écoles de district et organisa des conférences régionales d’enseignants pour améliorer la qualité de l’éducation.
Ewert exerça ses fonctions d’inspecteur jusqu’en 1903 ; il perdit son poste après l’élection des conservateurs de Rodmond Palen Roblin, qui avaient espéré recueillir des votes parmi les mennonites en promettant de renvoyer Ewert. Avant son congédiement, Ewert avait réussi à faire grimper le nombre d’écoles de district à 42. Il fut renommé inspecteur des écoles de district mennonites en mai 1908, puis licencié trois mois plus tard pour des raisons politiques similaires. Néanmoins, il resta directeur de l’école de Gretna jusqu’à sa mort en 1934.
Ordonné ministre au Kansas en 1884, Ewert avait continué d’exercer cette fonction dans l’Église mennonite Bergthaler dès son arrivée au Manitoba. Il fut ministre dans cette Église jusqu’à sa mort, même s’il ne faisait pas partie du cercle des prédicateurs attitrés en raison de ses responsabilités d’enseignement. En octobre 1906, il fonda une revue mensuelle, Der Mitarbeiter (le Collaborateur), publication officielle de la Conférence des mennonites du centre du Canada. Il en fut rédacteur en chef jusqu’en décembre 1934, mois où cessa la parution et mois du décès de Ewert. Selon l’historien Frank Henry Epp, la revue était « probablement l’un des périodiques mennonites les mieux dirigés et les plus stimulants intellectuellement [de l’époque] ». En 1903, Ewert avait été cofondateur de la conférence [V. Peter Regier*], dont il fut quatre fois président (en 1906, 1907, 1912 et 1913).
La contribution sociale de Ewert s’étendit aux arts et aux sports. Bon musicien, il introduisit le chant choral dans les écoles. À Gretna, il mit sur pied des chœurs communautaires attirant des gens de confession mennonite, des luthériens de langue allemande et des populations de langue anglaise. Il créa des festivals annuels de la chanson pour les chœurs de communautés mennonites des quatre coins de la province. Grand amateur de sport, il fit la promotion du tennis, du hockey et de la natation.
Ewert avait appuyé le compromis Laurier-Greenway conclu à la fin de 1896 entre le premier ministre fédéral Wilfrid Laurier* et le premier ministre provincial Thomas Greenway*. L’entente portait principalement sur les droits scolaires des catholiques du Manitoba, mais l’une des clauses obligeait les écoles à offrir un enseignement bilingue dans les districts où au moins dix enfants avaient une langue maternelle autre que l’anglais ; cette clause touchait de nombreux groupes ethniques. Ewert pensait que l’accord servait les intérêts à la fois de l’Église et de la société.
Lorsqu’en septembre 1906 le gouvernement Roblin somma toutes les écoles de district subventionnées par l’État d’arborer le Union Jack sous peine de perdre leur financement, Ewert commença par s’y opposer en faisant valoir qu’afficher de façon ostentatoire ce symbole de l’impérialisme britannique irait à l’encontre de la tradition pacifiste mennonite. Plus tard, il changea d’idée et se montra plus favorable à la loi.
En 1916, dans le contexte tendu de la Première Guerre mondiale, le gouvernement libéral de Tobias Crawford Norris révoqua la clause sur le bilinguisme du compromis Laurier-Greenway, faisant de l’anglais la seule langue d’enseignement. La même année, la fréquentation de l’école devint obligatoire. Les mennonites s’opposèrent à la loi et, en 1918, la plupart des écoles de district étaient redevenues des écoles privées. Le gouvernement du Manitoba réagit en nommant le sous-ministre adjoint de l’Éducation, John Franklin Greenway, curateur public des écoles mennonites habilité à prendre en charge les écoles privées pour les transformer en écoles de district unilingues anglaises. Au cours des trois années qui suivirent, Greenway ferma toutes les écoles privées mennonites et les remplaça par des écoles de district.
Ewert écrivit au gouvernement au nom de la communauté mennonite pour contester vigoureusement ces mesures, qui, selon lui, trahissaient les promesses faites aux mennonites à leur arrivée, en 1873. Le gouvernement rejeta les demandes des mennonites en alléguant que sa nouvelle politique visait à offrir à tous les enfants du Manitoba une éducation de qualité, et à assimiler les mennonites et d’autres groupes ethniques à une identité nationale anglaise. Le gouvernement et la population en général partageaient l’opinion du premier ministre Rodmond Palen Roblin, qui, pendant la controverse de 1906 au sujet du drapeau, avait affirmé que « [l’immigrant] qui refus[ait] de célébrer la gloire de notre drapeau et d’imprégner ses enfants du patriotisme britannique [était] un indésirable ».
L’école de Gretna perdit son statut d’école normale, mais resta une école secondaire. Ewert s’adapta à la situation. Beaucoup de mennonites choisirent toutefois de partir plutôt que de se conformer aux nouvelles politiques. Entre 1922 et 1927, près de 8 000 mennonites quittèrent le Canada pour l’Amérique latine.
Durant les années 1920, Ewert participa aux préparatifs en vue de l’immigration au Canada de plus de 20 000 mennonites en provenance de l’Union soviétique. Il fut membre des deux premières délégations qui s’adressèrent aux représentants du gouvernement fédéral pour demander que le pays accueille ces réfugiés. Le 17 mai 1922, à une réunion qu’il présida chez lui, il proposa de confier à David Toews, ancien élève et directeur du Rosthern Junior College en Saskatchewan, la direction du Canadian Mennonite Board of Colonization, chargé de négocier avec les gouvernements, la Compagnie du chemin de fer canadien du Pacifique et les Églises mennonites. Tandis que les immigrants arrivaient, Ewert se retira de l’organisme, en grande partie à cause de différends relatifs au financement du projet. Une fois que les immigrants se furent établis, cependant, il assura l’éducation en anglais de beaucoup d’entre eux par l’entremise de son école.
Ewert écrivit des articles sur des sujets liés à l’Église et à l’éducation pour diverses publications mennonites et pour sa propre revue, Der Mitarbeiter, ainsi que pour le Winnipeg Free Press. En 1932, il donna une conférence devant la Société historique et scientifique de Manitoba intitulée « The Mennonites », dont le texte fut publié sous forme de brochure dans deux éditions distinctes, en allemand et en anglais.
Heinrich H. Ewert mourut subitement le 29 décembre 1934. Personnage incontournable dans la communauté mennonite, il contribua grandement au développement de l’Ouest canadien.
Des rapports écrits par Heinrich H. Ewert durant les années où il était inspecteur d’écoles menonnites figurent dans les Sessional papers de la Legislative Assembly of Manitoba. On trouve dans Der Mitarbeiter [le Collaborateur] (Gretna, Manitoba), qu’il dirigea de 1906 à 1934, un grand nombre de ses présentations et de l’information sur ses diverses activités ; cette publication est également utile pour l’étude de son rôle dans les questions importantes concernant les mennonites à cette époque. L’une des sources les plus importantes sur Ewert, P. J. Schaefer, Heinrich H. Ewert, lehrer, erzieher und prediger der Mennoniten [Heinrich H. Ewert, enseignant, éducateur et ministre des mennonites] (s.l., 1945), a été traduite en anglais par Ida Toews et publiée sous le titre Heinrich H. Ewert, teacher, educator and minister of the Mennonites (Winnipeg, 1990).
Manitoba, Ministère du Tourisme, de la Culture, du Patrimoine, du Sport et de la Protection du consommateur, Bureau de l’état civil (Winnipeg), no 1925-008248, no 1934-051161.— Mennonite Heritage Centre Arch. (Winnipeg), Benjamin Ewert fonds ; Bergthaler Mennonite Church of Manitoba, vol. 727 ; Canadian Mennonite Board of Colonization, vol. 1167, file 26 ; David D. Klassen fonds, vol. 3220, 4 ; Heinrich H. Ewert fonds ; Mennonite Collegiate Instit. fonds, ser. I, 814 : 1–2 ; ser. V, 830 : 1, 5.— Collection Religions et Croyances, sous la dir. de Robert Choquette (14 vol. parus, Ottawa, 1993– ), 2 (Adolf Ens, Subjects or citizens ? : the Mennonite experience in Canada, 1870–1925, 1994).— F. G. Enns, Gretna, window on the northwest (Gretna, 1987).— Anna Ens, In search of unity : the story of the Conference of Mennonites in Manitoba (Winnipeg, 1996).— G. J. Ens, « Die Schule muss sein » : a history of the Mennonite Collegiate Institute, 1889–1989 (Gretna, 1990).— F. H. Epp, Mennonite exodus : the rescue and resettlement of the Russian Mennonites since the communist revolution (Altona, Manitoba, 1962).— H. J. Gerbrandt, Adventure in faith : the background in Europe and the development in Canada of the Bergthaler Mennonite Church of Manitoba (Altona, 1970).— « Global Anabaptist Mennonite encyclopedia online » : www.gameo.org (consulté le 8 nov. 2011).— Mennonites in Canada (3 vol., Toronto, 1974–1996), 2 (F. H. Epp, 1920–1940 : a people’s struggle for survival, 1982).
John J. Friesen, « EWERT, HEINRICH H. », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 20 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/ewert_heinrich_h_16F.html.
Permalien: | https://www.biographi.ca/fr/bio/ewert_heinrich_h_16F.html |
Auteur de l'article: | John J. Friesen |
Titre de l'article: | EWERT, HEINRICH H. |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 2018 |
Année de la révision: | 2018 |
Date de consultation: | 20 nov. 2024 |