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DUNBAR, ROBERT HENRY, barman, commis et propriétaire d’hôtel, et athlète, né le 26 octobre 1859 à Abercrombie, Nouvelle-Écosse, fils d’Alexander Dunbar et de Margaret Fraser ; le 23 janvier 1889, il épousa à Winnipeg Nora Gatenby West (décédée en 1941), de Lucknow, Ontario, et ils eurent deux filles et un fils ; décédé le 5 juin 1937 à Eveleth, Minnesota.

Robert Henry Dunbar, que l’on surnommait Bob, fut le meilleur curleur de son temps et le premier d’une longue lignée de grandes vedettes du curling venant de Winnipeg. Il mit au point des tactiques et des techniques qui changeraient ce sport de façon permanente. Né en Nouvelle-Écosse, il s’installa à Winnipeg dans sa jeunesse. Il y vécut peut-être dès 1878, mais il ne figure pas dans l’annuaire de la ville avant 1882. À l’époque, il était barman. Jusqu’à son départ de Winnipeg, en 1900, il travailla comme barman ou comme commis d’hôtel, sauf durant les quelques années où il fut propriétaire d’hôtel.

Dunbar devint un athlète célèbre au milieu des années 1880. Il n’était pas très imposant, même selon les normes de la fin du xixe siècle : il mesurait tout juste 5 pieds 8 pouces et pesait 150 livres. Néanmoins, il se distingua dans plusieurs sports, dont la boxe, le cyclisme, le patinage de vitesse et le billard, et dans des épreuves d’athlétisme, comme le saut en longueur, le lancer du poids, les courses de fond et de vitesse. En 1886, il remporta une course de 100 verges dans ce qui constitua, d’après le Manitoba Free Press, « sans doute la course de sprint la plus excitante jamais vue dans cette ville ». Plus de 600 spectateurs assistèrent à l’épreuve et parièrent plusieurs milliers de dollars sur le résultat. Les deux concurrents, avec l’aide de bailleurs de fonds anonymes, misèrent chacun 500 $, somme impressionnante pour Winnipeg dans les années 1880.

Dunbar excella au curling plus que dans n’importe quel autre sport. Il ne commença à y jouer qu’à la fin des années 1880. Dix ans plus tard, il était considéré comme le meilleur marqueur de l’Ouest canadien et, par conséquent, probablement du monde. À l’époque, il n’y avait pas de championnats nationaux ou internationaux, mais le bonspiel annuel de Winnipeg, tenu par la Manitoba Branch of the Royal Caledonian Curling Club (la Manitoba Curling Association à partir de 1908), était en voie de devenir la plus importante compétition de curling au monde ; Dunbar acquit sa réputation précisément durant ces tournois.

Dunbar participa au tout premier bonspiel, en 1889, mais il ne commença à piloter sa propre équipe qu’en 1893. En 1900, ses équipes avaient déjà remporté huit tournois majeurs, dont deux fois le Grand Aggregate (grand championnat général). De plus, Dunbar avait gagné quatre fois la compétition Grand Points du bonspiel. Dans cette épreuve à points individuelle, qui faisait régulièrement partie des bonspiels jusqu’au milieu des années 1910, les participants recevaient une note pour chacun de leurs quatre essais à neuf types de lancers différents, comme le placement (où la pierre lancée doit s’immobiliser dans la zone de pointage, ou maison) et la garde (où la pierre doit s’immobiliser devant la maison pour protéger les pierres qui s’y trouvent déjà). Le gagnant de cette compétition était considéré comme le meilleur marqueur individuel.

Vers la fin de 1900, Dunbar partit pour le Minnesota et s’installa à St Paul, à la demande des membres du St Paul Curling Club, qui voulaient qu’il entraîne d’autres joueurs et emmène des équipes à des bonspiels à l’extérieur de la ville. Il travaillait comme barman. Vers la fin de 1919, il accepta d’aller vivre à Eveleth pour jouer dans le club de curling local et diriger de nouvelles installations de curling et de loisirs. Il y demeurerait jusqu’à la fin de sa vie.

Au Minnesota, Dunbar resta un joueur de curling de haut niveau. De plus, il promut ardemment ce sport. À plusieurs reprises, entre 1901 et 1926, il amena des quatuors vers le nord pour participer au bonspiel de Winnipeg. L’une ou l’autre de ses équipes, de St Paul ou d’Eveleth, remporta une fois le Grand Aggregate et finit à égalité à une autre occasion ; elles figurent parmi les trois équipes non canadiennes à avoir remporté un Grand Aggregate à Winnipeg. Elles sortirent aussi victorieuses de cinq autres tournois importants et terminèrent huit fois championnes du Minnesota. Vers la fin des années 1920, Robert George, le fils de Robert Henry, jouait au curling dans des équipes championnes, et les deux hommes contribuèrent à faire du nord-est du Minnesota et du nord-ouest du Wisconsin un foyer du curling compétitif aux États-Unis. De nombreux champions nationaux proviendraient de cette région.

Le secret du succès de Dunbar au curling résidait dans un style de jeu, qu’il adopta très tôt, consistant à frapper ou éliminer. Ce style différait de celui qui existait dans le monde du curling à la fin du xixe siècle et au début du xxe siècle, soit le style du lancer léger, ou lancer de placement, qui laissait plusieurs pierres en jeu. En bref, il fut le premier curleur à profiter de la rapidité que procure la glace naturelle, sur laquelle on jouait à Winnipeg et presque partout dans les Prairies. Dunbar pouvait effectuer tous les lancers classiques, mais il se démarquait par ses lancers de sortie (qui consistaient à enlever une pierre adverse du jeu en la frappant avec la sienne). Un journaliste sportif de Winnipeg lui rendit hommage, après sa mort, en disant qu’« aucun capitaine n’avait été capable de ruiner autant le jeu soigneusement préparé de ses opposants que Bob Dunbar avec ses deux derniers lancers. Il était dévastateur. »

Le jeu de frappe que développa Dunbar mettait l’accent sur la précision ; pour le rendre plus efficace, il adopta une forme préliminaire de l’axe de lancer, avec les épaules perpendiculaires à la cible, qu’utilisent, au début du xxie, tous les bons joueurs. Dunbar ne fut pas le premier à se placer face à la cible pour lancer : des croquis et des tableaux antérieurs montrent des curleurs dans cette position. Toutefois, à l’époque où il commença à jouer, la plupart des curleurs lançaient la pierre en position oblique par rapport à la cible, conséquence de l’utilisation d’appui-pieds portatifs et de la qualité médiocre de fabrication des blocs de départ. Dunbar se rendit compte qu’il avait beaucoup plus de précision quand il se tenait de face dans la direction de son lancer. Pour lancer sa pierre rapidement, comme il le voulait, il devait s’appuyer sur sa jambe de poussée ; aussi fléchissait-il plus les jambes et moins la taille que les autres joueurs. Il s’exerçait seul durant des heures ; il découvrit que son lancer glissait mieux et était plus précis lorsqu’il laissait son élan l’entraîner à une courte distance du bloc de départ. Il s’arrêtait juste avant d’atteindre la ligne à l’arrière des anneaux, parcourant ainsi moins de six pieds. Il glissait néanmoins, comme le font les curleurs de nos jours.

Dans la première moitié du xxe siècle, le monde du curling en vint à associer Winnipeg et, de plus en plus, les Prairies à un creuset de joueurs extrêmement habiles qui privilégiaient un style de jeu fondé sur la frappe. Pendant l’hiver de 1922–1923, un grand groupe de curleurs d’Écosse visitèrent des villes au Canada et aux États-Unis, et notèrent leurs impressions de voyage. Ils reconnurent qu’ils ne pouvaient pas rivaliser avec les meilleurs marqueurs de Winnipeg, dont la « [manière] formidable de courir et rouler » semblait ennuyeuse, mais s’avérait impitoyablement efficace. Ils remarquèrent qu’un style de jeu axé sur la frappe avait cours au Minnesota, mais non dans le reste des États-Unis. La confirmation de la supériorité des équipes de Winnipeg vint après la création d’un championnat annuel national masculin de curling, le Brier, en 1927. De 1927 à 1952, le Brier eut lieu 23 fois (il fut annulé en 1943, 1944 et 1945), et 12 des équipes qui le remportèrent, dirigées par huit capitaines différents, provenaient de Winnipeg. La plupart des équipes de championnat de Winnipeg se démarquaient par leur excellente frappe.

Des Winnipegois raffinèrent et améliorèrent le lancer avec glissade introduit par Dunbar : par exemple, Frank Cassidy, dans les années 1900 et 1910, Gordon Hudson, dans les années 1910 et 1920, et les frères James Kenneth, surnommé Ken, et Grant G. Watson, dans les années 1920, 1930 et 1940. Par ses chroniques, ses livres et surtout ses succès sur la glace, James Kenneth Watson fit connaître ce lancer partout dans le monde. En 1960, presque tous les curleurs accomplis l’employaient, aidés par la glace artificielle et les chaussures à semelle glissante. Watson salua Dunbar pour tout ce que les joueurs de curling compétitifs lui devaient.

Robert Henry Dunbar mourut chez lui, après une longue maladie de près d’un an. Ce Néo-Écossais-Manitobain-Minnésotain fut un des rares athlètes qui non seulement excellèrent dans leur sport, mais le changèrent pour toujours.

Morris Mott

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Morris Mott, « DUNBAR, ROBERT H. », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 20 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/dunbar_robert_henry_16F.html.

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Auteur de l'article:    Morris Mott
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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    2019
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