DU VAL, PETER (baptisé Pierre), capitaine de navire, corsaire, commerçant et juge de paix, né le 11 octobre 1767 et baptisé le 14 octobre 1769 à Sainte-Brelade, île de Jersey, fils de Jean Du Val et de Marie Piton ; il épousa Elizabeth Hubert, et ils eurent trois fils ; décédé le 12 février 1851 à l’île Bonaventure, Bas-Canada.
Selon une légende populaire de la Gaspésie, les ancêtres de Peter Du Val étaient des calvinistes français réfugiés dans les îles Anglo-Normandes. Lui-même fut fortement influencé par l’aristocratie de Jersey, son régime usufructuaire de substitution de• terres, son désir d’établir l’assise de fortunes. indépendantes et son adhésion à une tradition chevaleresque et militaire.
Dans les années 1790, les associés d’une compagnie transatlantique spécialisée dans le commerce de la morue et des denrées de base, Philip, Francis et John* Janvrin, de Jersey, embauchèrent Du Val comme capitaine au long cours. Il conserva cet emploi pendant plus de 20 ans et acquit une réputation d’audace. Pendant les guerres napoléoniennes, il obtint des lettres de marque et de représailles pour des navires placés sous son commandement, notamment, en 1806, pour le Young Phoenix, dont les lettres de marque étaient dirigées contre la République batave (Pays-Bas). Au printemps de 1813, tandis qu’il se rendait de Jersey à Arichat, au Cap-Breton, le Young Phoenix fut saisi et pillé par le corsaire américain Paul Jones. L’Orpheus, navire de la marine britannique, captura les deux bâtiments dans le port de New London, au Connecticut. Les trois navires mouillèrent ensuite à Halifax où une enquête s’ouvrit devant Alexander Croke*, juge de la Cour de vice-amirauté. Le Young Phoenix fut rendu à ses propriétaires après qu’ils eurent garanti le paiement des dépenses engagées dans le sauvetage du navire.
En 1814, Du Val avait loué près de Dundee, au Cap-Breton, un lot qui lui fut concédé en 1818. Il continua de travailler pour les Janvrin jusqu’en 1818 environ, achetant du poisson à Arichat, à Havre Boucher et à Tracadie, en Nouvelle-Écosse, de même qu’en Gaspésie, et allant jusqu’à trois fois pendant la saison dans des ports de la Méditerranée et de la Baltique pour le vendre. Dès 1819, ayant amassé suffisamment de capitaux pour se lancer lui-même en affaires, Du Val était établi à l’île Bonaventure. Les membres de sa nouvelle société de pêche, la Peter Du Val and Company, étaient son frère Nicholas, John Perrée l’aîné, Philip Godfrey et Philip Le Gresley. Le 8 octobre 1825, le fils de Du Val, Peter John, acheta la compagnie et, désireux d’agrandir ses territoires de pêche, construisit des établissements supplémentaires au havre de Gaspé et à Newport, dans le Bas-Canada, ainsi qu’à Caraquet, à l’île Miscou et à Shippagan (Shippegan), au Nouveau-Brunswick, même si, semble-t-il, il élut principalement résidence et installa son bureau de commerce en Espagne, puis à Guernesey. Dès la fin des années 1820, Duval père, établi comme marchand à l’île Bonaventure et associé à Amice Du Val, de Saint-Hélier, dans l’île de Jersey, commença aussi d’acquérir des établissements de pêche à l’île Bonaventure, à l’anse à Beaufils et à Cannes-de-Roches. Il servait aussi de représentant à son fils, et il se peut qu’ils aient exploité ensemble certains établissements. En 1830, le père ou le fils, ou peut-être les deux, étaient propriétaires de trois navires affectés au commerce de la morue. En 1833, Peter John Du Val céda ses intérêts de Shippagan à ses bailleurs de fonds, cinq marchands de Jersey, pour £l 000. La même année, le père et le fils vendirent à ces mêmes marchands des biens qu’ils possédaient à l’île Bonaventure et des lots de grève au havre de Gaspé pour couvrir les dettes de plus de £978 qu’ils avaient contractées envers eux ; toutefois, ils conservèrent l’usage des terres et un droit de rachat pour cinq ans. Leurs relations de plus en plus mauvaises avec John Fauvel, qui remplaça John Le Boutillier* comme représentant à Percé de la compagnie de Charles Robin*, la plus importante société de pêche de la Gaspésie et du nord du Nouveau-Brunswick, compromirent gravement leurs affaires. Deux ans plus tard, venu de Jersey à l’île Bonaventure, Peter John Du Val trouva le shérif en train de vendre certaines de ses terres aux enchères. Il mourut peu de temps après.
Peter Du Val, en tant que tuteur de ses petits-enfants, prit en main les affaires de son fils et, avec quelque hésitation, tenta de recouvrer des créances en poursuivant des pêcheurs de la région. En 1838, les pertes qu’il avait subies l’empêchèrent de racheter les biens et les lots de grève vendus, mais l’entente fut renouvelée pour cinq autres années en échange de la remise aux marchands de Jersey, alors regroupés sous le nom de Bertram, Godfray, Gray and Company, de 800 quintaux de « bonne morue séchée pour la vente ». Cependant, Du Val prévoyait être incapable de remplir son deuxième engagement. Dans l’espoir d’assurer à ses descendants un héritage durable, il substitua la succession de son fils et ses biens personnels au profit de son petit-fils, alors âgé de 21 ans. Après avoir contesté cet arrangement, la Bertram, Godfray, Gray and Company reprit en 1843 les biens, qui n’avaient pas été rachetés, tout en libérant Du Val et la succession de son fils des dettes contractées à son endroit. Du Val loua ensuite l’entreprise de pêche des nouveaux propriétaires pour deux ans.
Tout au long de sa carrière, Du Val se mêla à la vie communautaire. Nommé officier de la milice de Jersey en 1812, il devint centenier en 1829 à Sainte-Brelade. Mais peu à peu, il se désintéressa de son île natale, aspirant de plus en plus à établir ses petits-enfants dans le Bas-Canada. De 1831 à 1838, il obtint quatre mandats de juge de paix à l’île Bonaventure où, en raison d’une pénurie de notaires, il était appelé à rédiger des actes de transfert de propriété et à être témoin de leur signature. Les documents de sa main démontrent une parfaite connaissance des règles de la transmission des biens. On rapporte qu’il aurait cultivé des talents littéraires et écrit l’histoire de sa famille.
Dans les sources secondaires, on a confondu la carrière de Peter Du Val avec celle de son frère jumeau John, officier de la marine britannique, et de son fils Peter John. De même, les mythes entourant l’époque où il fut corsaire ont obscurci le rôle important qu’il joua comme capitaine pour le compte de la compagnie Janvrin, comme pilier de son propre commerce international et de celui de son fils et comme rival mineur de la Charles Robin and Company, qui exerçait un quasi-monopole sur la pêche maritime.
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Aldo Brochet, « DU VAL, PETER (baptisé Pierre) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 29 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/du_val_peter_8F.html.
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Auteur de l'article: | Aldo Brochet |
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1985 |
Année de la révision: | 1985 |
Date de consultation: | 29 déc. 2024 |