DONNELLY, JAMES, fermier, né le 7 mars 1816 dans le comté de Tipperary, en Irlande, assassiné le 4 février 1880 près de Lucan dans le canton de Biddulph, Ont.

James Donnelly quitta l’Irlande en 1844 et s’établit avec sa famille dans le canton de Biddulph, Canada-Ouest, en 1847. En 1857, Donnelly et sa femme, Johannah Magee, avaient sept garçons et, jusque-là, n’avaient pu acheter que la moitié des 100 acres desquelles ils tiraient leur subsistance ; en 1856, ils avaient été expulsés de la partie sud de la propriété comprenant 50 acres. La division de cette ferme est à l’origine de ce qu’on a appelé par la suite « le drame de Biddulph ». Cette division fut peut-être aussi la cause de la dispute qu’eut Donnelly avec son voisin, Patrick Farrell, au cours d’une corvée en forêt, le 25 juin 1857. À cette occasion, Donnelly asséna à Farrell « un petit coup de barre de rien du tout », qui le tua. Après être resté caché pendant un an, Donnelly fut finalement jugé et, le 5 août 1858, pour ce « malheureux coup donné alors qu’il avait bu », il fut envoyé au pénitencier de Kingston où il resta sept ans.

Mais le lieu où habitait Donnelly et qu’on avait baptisé « the Roman Line » avait déjà connu des délits plus sombres et plus prémédités. Contrairement à ce qui était arrivé à Donnelly, tous ces crimes mystérieux étaient restés impunis. Déjà, vers 1845, il existait des preuves d’incendie volontaire, de l’existence d’une société occulte propageant la haine, de combats entre factions rivales et d’assassinats. La même chose se passait à Tipperary depuis des années. À ce sujet, quelqu’un avait écrit que ses habitants « regard[aient] d’un œil indifférent les actes de violence les plus atroces et, en protégeant les criminels, s’en f[aisaient] les complices et encourage[aient] le crime ». Les colons de la « Roman Line » venaient du comté de Tipperary et, malheureusement, s’y croyaient encore. Pour toutes ces raisons la « Roman Line » était un endroit où il était très dangereux de vivre, et quand, en 1865, Donnelly sortit de prison, il ne devait vivre que 15 ans dans cette atmosphère de haine et de violence.

Mais le reste de l’histoire de Donnelly est réellement celle de ses sept fils, de leur mépris de la loi parfois, mais le plus souvent, pourrait-on dire, de leur mépris des puissances occultes qui exerçaient leur influence sur le milieu. C’est ainsi qu’en 1867 la grange des Donnelly fut rasée par un incendie, puis, en 1874, comme les Thompson ne voulaient pas lui donner leur fille Maggie en mariage, Will Donnelly tenta par deux fois de l’enlever. En 1875, la ligne de diligence de Donnelly subissait une concurrence acharnée de la part d’une ligne rivale et, un certain jour, les étables des deux concurrents furent la proie des flammes. Au début de l’année suivante, la fuite de Will en compagnie de Norah Kennedy lui valut, ainsi qu’à sa famille, un ennemi de plus. C’était en l’occurrence le frère de la jeune fille, John, qui se mit dans la tête que Will voulait le déshériter. Au sein de cette communauté dangereuse, les fils Donnelly, dont certains étaient déjà assez dangereux, répondirent à la violence par la violence et devinrent des plus indépendants.

Aux élections fédérales de 1878, la famille vota contre le candidat conservateur et catholique. Après ce geste, il semble que les Donnelly n’eurent plus les moyens de tenir tête à la population de la « Roman Line » et que leur situation se soit affaiblie, d’abord parce qu’ils avaient perdu deux fils et ensuite parce que leurs adversaires se montrèrent soudain bien organisés. En 1879, le nouveau curé de la paroisse dénonça les Donnelly, et une meute envahit en plein jour leur propriété. En janvier 1880, des accusations d’incendie volontaire furent portées contre les parents Donnelly, dans le but de faire aboutir une longue et habile campagne de dénigrement et de calomnie. Après le harcèlement et le boycottage dont les Donnelly avaient souffert, n’importe quelle autre famille aurait quitté la localité, mais les Donnelly, eux, restèrent. Le 4 février 1880, au cours d’une attaque bien préparée, la foule, de nouveau, mais la nuit cette fois, mit un point final à leur existence. Pour ce jour-là, un contemporain enregistre dans son journal « [...] les nouvelles du meurtre le plus atroce [...] perpétré la nuit dernière à Lucan, à 17 milles de London, dont la famille Donnelly a été victime. Le père, la mère, deux fils et une nièce ont été assassinés puis, pour couvrir le crime, on a mis le feu à leur maison et on a brûlé quatre des cinq corps. En ville, les gens ont été terrifiés à la nouvelle d’un crime aussi diabolique dépassant l’imagination ».

« D’autres, lit-on encore, vont jusqu’à dire que les Donnelly étaient si mauvais qu’il est préférable de ne pas agiter cette histoire plus longtemps, et que c’est un bon débarras [...]. » Ce sont probablement des préjugés de ce genre qui poussèrent le jury à acquitter les meurtriers présumés, en dépit des preuves évidentes de leur culpabilité. Toutefois, comme on peut le constater, il y avait derrière ces préjugés évidents tant de ouï-dire qu’on doit peut-être citer Will Donnelly : « Ma mère lui [au prêtre] a dit que certains dans le voisinage étaient pires que ses fils, mais que c’est surtout à ces derniers que la foule s’en prenait et qu’elle-même et ses enfants se trouvaient persécutés. »

De toute façon, il nous faut bien admettre la force de l’affection qui unissait les Donnelly et le sang-froid bien caractéristique dont fit preuve le vieux Donnelly, un certain matin de septembre 1879, lorsqu’en se réveillant il trouva sa cour envahie par une foule armée de bâtons : « Je leur ai dit que je serai là lorsque le diable les brûlera tous et ils ne me faisaient pas peur le moins du monde. »

James Reaney

APC, FO 5, C1, 529, n° 1653.— Middlesex County Registry Office (London, Ont.), registres des terres, 1800–1848 (copies aux PAO).— PAO, Sir Aemilius Irving papers, 25, n° 12.— University of Western Ontario Library, Huron County, Ont., greffier de la paix, rôle d’évaluation pour le district de Huron, 1843–1845, 1847–1848 ; 13–15 (comté de Huron, Ont., greffier de la paix, enquête du coroner, 1841–1904) ; 25 (journaux de John B. Cox, 1878, 1880) ; 28 (papiers de la famille Donnelly) ; 49–72 (comté de Huron, Ont., greffier de la paix, causes au criminel, 1841–1933) ; 73–79 (comté de Huron, Ont., greffier de la paix, livres de compte au criminel, 1840–1928) ; 292–331 (comté de Middlesex, Ont., greffier de la paix, registres au criminel, 1844–1919) ; 368–405 (comté de Middlesex, Ont., Cour de la chancellerie, causes) ; ulm 56–44 (comté de Biddulph, Ont., rôle d’évaluation), rôle de l’enquêteur pour l’année 1853.

      The Biddulph tragedy (London, Ont., 1880).— London Advertiser, 17 mai 1880.— Weekly Globe (Toronto), 20 févr., 12 mars 1880.— City of London and county of Middlesex general directory for 1868–9 [...], James Sutherland, édit. (Toronto, 1868), 8.— Thomas Laffan, Tipperary’s families : being the hearth money records for 1665–6–7 (Dublin, 1911).— W. P. Burke, History of Clonmel (Waterford, Irl., 1907).— T. P. Kelley, The black Donnellys (Winnipeg, 1954).— Orlo Miller, The Donnellys must die (Toronto, 1962).

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James Reaney, « DONNELLY, JAMES », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 10, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 2 oct. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/donnelly_james_10F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 10
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1972
Année de la révision:    1972
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