DENOON (Dunoon), HUGH, marchand, fonctionnaire, juge de paix, juge, recruteur et transporteur d’émigrants, né le 18 septembre 1762, probablement dans la paroisse de Killearnan, près de Redcastle, Écosse, aîné des enfants de David Denoon et de Mary Inglis ; il épousa Catherine Fraser, et ils eurent au moins un fils ; décédé le 24 mars 1836 à Pictou, Nouvelle-Écosse.
Issu d’une famille bien établie dans les Highlands, Hugh Denoon aurait normalement dû aller à l’université d’Aberdeen et devenir ministre de l’Église d’Écosse, mais c’est son jeune frère qui suivit les traces de leur père et finit par lui succéder. Parti pour Halifax, Hugh y fit d’abord du commerce, après quoi il se rendit dans la région de Pictou où, dès 1784, il obtint des terres sur la rivière East. Par la suite, il vécut à Merigomish, où il acquit des droits fonciers d’anciens membres du 82nd Foot. Puis il s’installa dans une maison située à environ un mille au sud du centre de Pictou, cumula graduellement des postes, dont ceux de receveur des douanes, de registrateur adjoint, de juge de paix et de juge à la Cour des plaids communs, et fit du commerce.
Denoon passa la plus grande partie de sa vie d’adulte dans une obscurité respectable à Pictou, mais au début du xxe siècle il acquit une certaine renommée dans son pays natal : pendant la vague d’émigration qui dura de 1801 à 1803, il fut le premier et le plus haï de ceux qui entreprirent de transporter des émigrants écossais en Amérique du Nord. Non seulement ses méthodes furent-elles largement connues et dénoncées en Écosse, mais elles incitèrent le Parlement à adopter une loi qui visait apparemment à prévenir le genre d’abus dont il s’était présumément rendu coupable en 1801. De surcroît, il devint bientôt un « méchant », aussi bien pour les lairds que pour les émigrants, tant la tendance à broder des légendes autour de la réalité a toujours été forte parmi les Highlanders. Ce n’est donc pas sans peine que l’on peut rétablir les faits.
La première mention des activités de Denoon en Écosse remonte au début de mars 1801 : arrivé d’Amérique peu de temps auparavant afin de recruter des émigrants, il se proposait de revenir avec des navires pour les transporter en mai. Les adversaires de l’émigration ne parvinrent pas à convaincre le Customs Board de bloquer son projet, mais un avocat en vue d’Inverness informa un fonctionnaire de Fort William qu’il était possible d’inspecter les deux navires de Denoon pour vérifier si le logement et les provisions étaient convenables et, le cas échéant, de leur interdire de prendre la mer. Consulté, le procureur général d’Écosse, Charles Hope, répondit qu’« aucune loi ne permet[tait] de garder des gens au pays contre leur volonté », mais il se montra prêt à aviser le Customs Board de ne pas délivrer de permis de sortie aux navires avant d’avoir eu les listes de passagers et d’avoir pu s’assurer que les provisions suffiraient pour la traversée. Denoon se conforma à cet avis et remit les listes demandées. Le Sarah of Liverpool, qui jaugeait 350 tonneaux, accueillerait 199 passagers de plus de 16 ans et 151 enfants ; le Dove of Aberdeen, de 186 tonneaux, aurait à son bord 149 passagers de plus de 16 ans et 60 enfants. On comptait donc au total 559 passagers. Denoon et le Customs Board entamèrent ensuite des négociations sur une formule qui permettrait de convertir le nombre d’enfants de moins de 16 ans en « unités » de passagers. Convaincu par Denoon que ses navires transportaient 428 unités de passagers, le Customs Board conclut que l’espace ainsi que les provisions, fournies par les émigrants eux-mêmes, étaient suffisants, et donna l’autorisation de partir.
La traversée, qui commença en juin, fut des plus éprouvantes. Elle dura 13 semaines, ce qui était exceptionnellement long, et une épidémie de variole se déclara parmi les passagers. Selon un témoignage de l’époque, 39 enfants de moins de dix ans moururent. Au large des côtes terre-neuviennes, une équipe d’enrôlement forcé de la marine royale aborda l’un des navires et prit plusieurs jeunes gens, qui ne furent libérés qu’après des pourparlers entre Denoon et l’officier supérieur de la marine. À Pictou, on mit les nouveaux arrivants en quarantaine et, comme ils étaient inaptes au travail, on dut les secourir au moyen d’une souscription publique. Toutefois, ils finirent par s’intégrer à la communauté.
Les agissements de Denoon soulevèrent d’énormes controverses. Dans son premier rapport sur l’émigration, paru en janvier 1802, la Highland Society of Edinburgh rapporta une allégation (qu’on ne prouva jamais d’ailleurs) selon laquelle Denoon, après que les agents des douanes eurent inspecté ses bâtiments et se furent déclarés satisfaits de ce qu’ils comptaient deux étages de couchettes séparés par un passage de dix pieds, aurait retiré une plate-forme qui camouflait un troisième étage où d’autres passagers devaient prendre place après l’obtention du permis des douanes. En outre, la société fit une critique dévastatrice de la formule utilisée pour déterminer le nombre des passagers de Denoon en prenant, comme point de comparaison, le maximum autorisé par la loi sur la traite des esclaves, adoptée quelques années plus tôt. D’après la formule la moins restrictive, à laquelle les Highlanders avaient droit selon la société, le Sarah of Liverpool et le Dove of Aberdeen n’auraient dû transporter que 355 passagers. La société prenait bien soin de noter qu’elle ne voulait pas comparer les émigrants écossais à des esclaves, mais ses calculs étaient saisissants et les conclusions qu’il fallait en tirer évidentes. Ces données furent l’un des principaux arguments invoqués par un comité parlementaire qui proposa en 1803 une loi pour corriger ces abus (43 George III, chap. 56).
Denoon incarnait une mentalité de plus en plus répandue chez les gens qui s’occupaient de transporter des voyageurs : on assimilait les passagers à des marchandises et on ne se souciait nullement de leur sort une fois qu’ils avaient débarqué en Amérique du Nord. Un autre élément aggravait leur situation : la Grande-Bretagne faisait de plus en plus appel aux colonies de l’Amérique du Nord britannique pour l’approvisionner en bois. Quelques années seulement après l’initiative de Denoon, la plupart des transporteurs étaient des marchands de bois qui remplissaient leurs navires de cargaison humaine plutôt que de lest pour le voyage de retour en Amérique du Nord. Peut-être la loi dont Denoon avait provoqué l’adoption améliora-t-elle les conditions de traversée. Cependant, en même temps, elle nuisit à l’émigration car elle permettait au gouvernement de harceler ceux qui faisaient ce genre de transport et elle provoqua la hausse des tarifs. À compter de 1815, la Grande-Bretagne ne tenta plus de limiter l’émigration. Une nouvelle loi (57 George III, chap. 10), adoptée en 1817, vint remplacer celle de 1803.
On raconta souvent, dans les Highlands, que Hugh Denoon s’apprêtait à revenir recruter des passagers mais, apparemment, son expérience lui avait suffi ; rien n’indique qu’il la répéta. Il n’avait pas contribué uniquement à l’adoption de la loi britannique de 1803, mais aussi au fort afflux de Highlanders que la région de Pictou connut au début du xixe siècle. Après son heure de renommée, il retourna à ses anciennes activités commerciales. À sa mort, il laissa plus de £7 000 de petites créances non recouvrées.
GRO (Édimbourg), Killearnan, reg. of births and baptisms, 19 sept. 1762.— NLS, Dept. of mss,
J. M. Bumsted, « DENOON (Dunoon), HUGH », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 22 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/denoon_hugh_7F.html.
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Auteur de l'article: | J. M. Bumsted |
Titre de l'article: | DENOON (Dunoon), HUGH |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1988 |
Année de la révision: | 1988 |
Date de consultation: | 22 nov. 2024 |