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DEMERS, MODESTE, prêtre, missionnaire et évêque catholique, né le 11 octobre 1809 à Saint-Nicolas-de-Lévis, Québec, fils de Michel Demers, cultivateur, et de Rosalie Foucher, décédé le 28 juillet 1871 à Victoria, C.-B.
Modeste Demers fit ses études au séminaire de Québec et, en 1836, fut ordonné prêtre par Mgr Joseph Signay*. En 1837, après avoir exercé brièvement son ministère à Trois-Pistoles, Demers fut accepté comme missionnaire par Mgr Signay. Ce dernier l’envoya œuvrer sous les ordres de l’évêque Joseph-Norbert Provencher*, dans la colonie de la Rivière-Rouge. L’année suivante, il fut choisi de nouveau par Mgr Signay pour accompagner l’abbé François-Norbert Blanchet chez les populations catholiques de l’Oregon qui réclamaient des prêtres et des missionnaires.
Les abbés Demers et Blanchet ne manquèrent pas de travail parmi les colons et parmi les Canadiens français que la Hudson’s Bay Company employait dans les postes de l’Oregon. Cependant Mgr Signay les avait informés qu’ils devaient se consacrer en premier lieu aux Indiens et leur avait demandé d’apprendre aussi vite que possible les langues indigènes. Parce qu’il avait le don des langues, Demers s’était déjà fait remarquer dans ce domaine à la Rivière-Rouge. Au bout de 12 mois passés sur la côte du Pacifique, il était parvenu à composer un dictionnaire, un catéchisme, un livre de prières et des hymnes religieuses dans le dialecte des Tchinouks ; il avait aussi acquis des notions élémentaires de plus d’une langue indienne de la région. L’anglais, dont il avait une bonne connaissance, lui était également utile, particulièrement dans ses rapports avec la compagnie qui détenait le pouvoir économique et politique dans la région de l’Oregon, et dont l’appui était essentiel à tout missionnaire ayant l’intention de se déplacer au-delà des limites de Fort Vancouver, poste principal de la compagnie.
Dans cette région, le travail de l’abbé Demers était des plus variés et consistait à effectuer de longs et pénibles voyages, à célébrer de nombreux baptêmes et à donner des rudiments d’instruction religieuse aux Indiens. Dans cette dernière tâche, il utilisait souvent l’échelle de son confrère Blanchet, une représentation graphique de l’évolution historique de la religion catholique. Il se dépensa particulièrement pour la fondation d’une mission à Cowlitz et, plus tard, fit deux voyages remarquables en pays de mission, dans le Nord. En septembre 1841, il se rendit au fort Langley, dans la vallée du Fraser, où des Indiens étaient rassemblés ; après les avoir rencontrés, il baptisa plusieurs d’entre eux. Il fut le premier missionnaire à pénétrer à l’intérieur du territoire qui est maintenant la Colombie-Britannique. L’année suivante, Demers étendit son œuvre missionnaire aux Porteurs, Indiens de la Nouvelle-Calédonie, se rendant jusqu’au fort Alexandria avec le convoi de la compagnie. Il passa l’hiver à cet endroit, y construisit une petite chapelle, fit plusieurs voyages au fort George, au lac Stuart et se rendit chez les Atnans.
De retour dans le territoire de l’Oregon, Demers exerça son ministère, après 1844, à Oregon City, sous la direction de Mgr Norbert Blanchet. Lorsqu’en 1846 l’Oregon fut élevé au rang de province ecclésiastique, Mgr Blanchet en devint le premier archevêque. Son compagnon missionnaire de Québec, Modeste Demers, qui avait conservé son intérêt pour les Indiens du Nord, fut nommé évêque de l’Île-de-Vancouver et administrateur du diocèse des Îles-de-la-Princesse-Charlotte (Îles-de-la-Reine-Charlotte) et de la Nouvelle-Calédonie. C’est en cette qualité qu’il fut sacré le 30 novembre 1847. Le nouvel évêque de l’Île-de-Vancouver hésitait à accepter son fardeau : il avait le sentiment que Mgr Blanchet s’était trop hâté pour recommander l’établissement d’un évêché dans une région ayant apparemment peu de ressources, et à peine touchée par le christianisme. À la fin du xviiie siècle, des prêtres espagnols avaient fait des séjours de courte durée dans l’île de Vancouver et, en 1843, le père Jean-Baptiste-Zacharie Bolduc avait accompagné James Douglas au fort Victoria quand la compagnie commença à se retirer de la région du fleuve Columbia. Seuls Mgr Demers, et les jésuites Pierre-Jean De Smet et John Nobili* s’étaient rendus chez les Indiens de l’intérieur de la Colombie-Britannique. À l’exception des postes de traite de la compagnie, il n’existait pratiquement aucune colonie de Blancs.
Avant de s’installer dans son nouveau diocèse, Mgr Demers se dépensa énergiquement afin d’obtenir des fonds et des missionnaires pour mener à bien la grande tâche qui l’attendait. Il fit de longs voyages en Europe, particulièrement en France, où il parvint à trouver plusieurs missionnaires pour son diocèse, mais il fut déçu de la réponse du public à sa demande de fonds. Quand il arriva à son siège épiscopal en 1852, Mgr Demers admit : « Maintenant je suis curé du village, je chante la Messe Dimanches et Fêtes et prêche avec cela de temps en temps [et] quant aux ressources, vous savez que je [ne] les tiens pas dans ma main. » La modicité des ressources de son propre diocèse, sa dépendance de sources financières aléatoires en provenance de la province de Québec et d’Europe, le besoin aigu à certains moments de prêtres anglophones compétents, furent les problèmes que Mgr Demers eut à affronter jusqu’à sa mort.
En 1858, lors de la ruée vers l’or dans la vallée du Fraser, on accorda une plus grande attention aux lointaines colonies du Pacifique ; Mgr Demers parvint à persuader la nouvelle congrégation des sœurs de Sainte-Anne de Montréal, sous la direction de sœur Marie du Sacré-Cœur [Salomée Valois*], de venir travailler dans son diocèse. Il réussit également à convaincre la communauté missionnaire des Oblats de Marie-Immaculée d’établir leur siège à Esquimalt, sous les ordres du père Louis d’Herbomez*. Sous l’égide des sœurs, on construisit pour la population de Victoria une école de filles, un orphelinat et, plus tard, un hôpital. Les oblats fondèrent une école de garçons à Victoria et continuèrent l’œuvre missionnaire de Mgr Demers chez les Indiens de l’Île-de-Vancouver et du fleuve Fraser. L’évêque lui-même put ainsi entreprendre la construction de sa cathédrale à Victoria, accorder plus d’attention à l’organisation et à l’approvisionnement de son diocèse, multiplier ses œuvres de charité et rendre visite aux mineurs et aux autres habitants des régions éloignées.
Quand le père d’Herbomez fut nommé vicaire apostolique de la Colombie-Britannique et que les oblats quittèrent l’île pour le continent en 1865, l’œuvre de Mgr Demers s’en trouva gravement affectée, bien que les relations entre l’évêque et la congrégation n’eussent jamais été très cordiales. Toutefois, depuis 1863, Mgr Demers n’avait cessé de demander des prêtres de langue anglaise au collège américain de Louvain, en Belgique ; fort heureusement, cette institution était maintenant à même de combler le vide laissé par le départ des oblats.
Mgr Demers se sentait de plus en plus souffrant et, en 1865, il se fit soigner quelque temps à San Francisco. L’année suivante, il quitta de nouveau Victoria pour une tournée importante de trois ans en Amérique du Sud, dans l’est des États-Unis, au Québec et en France, essayant de trouver des prêtres et des fonds pour son diocèse. Il revint quelque temps à Victoria en 1869, mais il retourna presque aussitôt en Europe avec le père Charles John Seghers*, pour assister au concile oecuménique qui se tint au Vatican en 1870. Alors qu’il était en France, en route pour Rome, l’évêque fut grièvement blessé dans un accident de chemin de fer ; il ne s’en remit jamais complètement. Il mourut un an plus tard dans sa résidence de Victoria, quelques jours seulement après l’entrée de la Colombie-Britannique dans la Confédération canadienne.
Les temps n’étaient plus à l’empire de la traite des fourrures et à la colonie de la couronne. Le caractère de la province du Pacifique allait bientôt changer de façon radicale. Sans doute était-il à propos qu’au cours de sa dernière maladie Mgr Demers « exprim[ât] fréquemment le désir de recevoir sir James Douglas et de lui parler ; et l’on vit souvent l’ancien gouverneur au chevet de l’évêque ». C’est Douglas qui, le premier, avait accueilli le jeune abbé Demers à Fort Vancouver ; et son rôle dans la traite des fourrures et comme gouverneur de la colonie l’avait tenu en constants rapports avec l’évêque pendant plus de 30 ans. Le monde auquel ils appartenaient, tous les deux, c’était celui des postes de traite et des Indiens, de la civilisation au cœur de régions sauvages, d’un gouvernement de compagnie et de relations intimes avec une humble société coloniale, et ce monde était maintenant révolu.
AAQ, Colombie anglaise, I–III (lettres de Modeste Demers à l’archevêché).— Archives de la Congrégation pour l’évangélisation des peuples (Cité du Vatican), Lettere e Decreti ; Udienze di Nostro Signore ; Lettere della S. Congregazione e Biglietti di Monsignore Segretario, Scritture riferite nelle Congregatzioni, America Centrale.— Archives de la Propagation de la Foi de Paris (France), F.202 (Vancouver, rapports des missions, 1847–1922).— Archives de l’archevêché de Rimouski, Lettres de Mgr Modeste Demers à l’abbé Edmond Langevin, 1848–1866.— Archives Deschâtelets (Scholasticat Saint-Joseph, Ottawa), Dossier Orégon, I, A-XI, 1–3 (Modeste Demers au père Pascal Ricard, o.m.i., supérieur, Mission Saint-Joseph, Olympia, W.T., 1853–1856) ; B-IX, 2 (correspondance de Modeste Demers avec le frère Louis d’Herbomez, o.m.i., 1860–1865).— Archives générales O.M.I. (Rome), Dossier Modeste Demers (microfilm aux Archives Deschâtelets, Scholasticat Saint-Joseph, Ottawa).— Archives of the Archdiocese of Portland (Portland, Ore.), Letters of Modeste Demers to Mgr. N. Blanchet.— PABC, Modeste Demers correspondence, 1860–1871.— Modeste Demers, J.M.J. Chinook dictionary, catechism, prayers and hymns ; composed in 1838 & 1839 by Rt. Rev. Modeste Demers ; revised, corrected and completed, in 1867 by must Rev. F. N. Blanchet, with modifications and additions by Rev. L. N. St. Onge [...] (Montréal, 1871).— Morice, History of northern interior of B.C.— P. M. Hanley, The Catholic ladder and missionary activity in the Pacific northwest (thèse de
Jean Usher, « DEMERS, MODESTE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 10, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 25 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/demers_modeste_10F.html.
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Auteur de l'article: | Jean Usher |
Titre de l'article: | DEMERS, MODESTE |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 10 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1972 |
Année de la révision: | 1972 |
Date de consultation: | 25 déc. 2024 |