Titre original :  G. J. Blewett. From Acta Victoriana, May 1905, page 534. https://archive.org/stream/actavictoriana28victuoft

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BLEWETT, GEORGE JOHN, ministre méthodiste, professeur d’université, philosophe et auteur, né le 9 décembre 1873 dans le canton de Yarmouth, Ontario, fils de William Blewett, fermier, et de Mary Baker ; le 11 juillet 1906, il épousa à Toronto Clara Marcia Woodsworth, et ils eurent deux fils, dont l’un mourut très jeune, et une fille ; décédé le 15 août 1912 dans la baie Go Home, Ontario.

Élevé dans une ferme près de St Thomas, en Ontario, George John Blewett fit ses études à l’école secondaire de cette localité. Il fut pris à l’essai comme ministre méthodiste en 1894 et fut pendant une courte période prédicateur de mission dans l’ouest du Canada. Piètre orateur mais étudiant brillant, il obtint en 1897 son diplôme de la Victoria University à Toronto, avec plusieurs prix et médailles. Son ordination eut lieu l’année suivante. Il étudia en 1899 à l’université de Wurtzbourg en Bavière (Allemagne), reçut en 1900 un doctorat en philosophie de la Harvard University de Cambridge, au Massachusetts, et fit par la suite des études post-doctorales à Oxford et à Cambridge, en Angleterre.

En 1901, Blewett accepta une charge de maître de conférences en philosophie au Wesley College de Winnipeg [V. Joseph Walter Sparling]. Cinq ans plus tard, il retourna en Ontario, où il épousa Clara Marcia Woodsworth, diplômée de la Victoria University, tout comme lui, et ancienne directrice de l’Alma Ladies’ College de St Thomas. En outre, il assuma la chaire Ryerson de philosophie morale à la Victoria University. On lui offrirait plusieurs fois de succéder au célèbre philosophe Borden Parker Bowne à la Boston University, mais, par patriotisme, il choisirait de faire carrière au Canada.

Paru à Toronto en 1907, le premier livre de Blewett, The study of nature and the vision of God : with other essays in philosophy, suscita l’attention au delà des frontières. Bien que Blewett ait refusé en plusieurs occasions d’être professeur invité dans des universités américaines, il accepta de donner les conférences Nathaniel William Taylor à l’école de théologie de la Yale University à New Haven, au Connecticut, pendant l’hiver de 1910–1911. Publiées en 1912 à New Haven et à Toronto sous le titre de The Christian view of the world, ces conférences, où l’on retrouve les thèmes de ses essais, lui assurèrent bientôt une place parmi les philosophes les plus distingués du Canada.

Enracinées dans le libéralisme théologique des années 1890, qui mettait l’accent sur la présence de Dieu dans le monde et sur la signification éthique et sociale du christianisme [V. George Monro Grant*], les œuvres de Blewett explorent à la fois le rapport entre la religion et la raison et le concept de la nature. À l’instar des philosophes John Clark Murray et John Watson*, Blewett soutenait que religion et raison sont nécessairement liées. En tant que principe d’ordre qui organise les faits en un ensemble cohérent, Dieu se manifeste dans le monde par l’intermédiaire de la connaissance acquise par les humains. Dieu est donc, concluait Blewett, la totalité des relations qui transforment les faits en des entités du savoir. La nature étant l’assise de toute connaissance – le monde où les êtres humains agissent et découvrent –, elle est la voie par laquelle Dieu rejoint l’esprit humain. Corrélativement, la raison alimente en l’homme le désir de donner un sens à sa vie et, ce faisant, l’amène à vénérer la source des relations et de la cohérence : Dieu. Même si, dans ses écrits, Blewett parlait de Dieu comme du foyer spirituel de tous les ordres possibles, il n’abandonna pas réellement le Dieu de la foi chrétienne – Celui qui peut intervenir ou pardonner. Cependant, il ne réussit pas tout à fait à concilier un Dieu agissant et un Dieu qui rend possible l’activité consciente.

Se démarquant de la pensée traditionnelle, Blewett cherchait à éliminer toute coupure entre le spirituel et le temporel. « De toute évidence, soutenait-il dans Christian view, aucune forme d’idéalisme ne saurait avoir de valeur constructive pour le théologien si elle ne dépasse pas la conception superficielle et simpliste selon laquelle la nature est un système d’idées dans nos esprits. » Il énonçait donc un idéalisme progressiste qui ne classait pas Dieu, la nature et l’humanité dans une hiérarchie conventionnelle, mais les intégrait en un tout harmonieux. Son enfance à la campagne et ses séjours dans l’Ouest avaient très probablement contribué à façonner sa large vision de la nature, qui englobait les phénomènes terrestres.

Blewett passait aisément d’un respect fondamental pour la nature – terrain originel de Dieu – à des arguments pratiques et philosophiques en faveur du changement social. Il dénonçait « l’incroyable gaspillage et l’injustice sociale, l’oppression d’une classe par une autre, qui découlent inévitablement de l’impudente mentalité dépensière ». « En pareil temps, poursuivait-il, quiconque souhaite voir notre vie pratique et ses arts reposer sur des fondations justes ne peut sentir en lui la moindre vocation d’encourager, fût-ce par une seule syllabe, l’abandon du moindre vestige de la vénération que les hommes éprouvaient autrefois pour leur antique mère, la poussière du sol. » Les énoncés de Blewett sur le devoir du chrétien en société étaient reconnus pour leur qualité éthique. En outre, un historien a conclu qu’ils « formaient peut-être l’explication philosophique la plus raffinée de l’évangile social [qui ait été donnée] à son époque au Canada ». Parmi les premiers disciples du mouvement Social Gospel, l’un des principaux, le ministre méthodiste James Shaver Woodsworth*, cousin de Clara Blewett, fut presque certainement influencé par les enseignements de Blewett au Wesley College et à la Victoria University.

George John Blewett ne suscitait pourtant pas l’adhésion de tous. Le vieux chancelier de Victoria, Nathanael Burwash, soutenait que, théologiquement, il allait trop loin, que la croyance religieuse ne pouvait faire l’objet d’une reconstruction purement philosophique. Néanmoins, l’œuvre de Blewett indiquait de nouvelles orientations à la pensée méthodiste canadienne, et elle fut marquante. Hélas, Blewett connut une fin tragique à l’âge de 38 ans. En août 1912, en se baignant à son chalet du district de Muskoka, il se noya, de toute évidence à cause d’une crise cardiaque. Il laissait dans le deuil sa femme enceinte et son jeune fils. On l’inhuma dans le cimetière Necropolis à Toronto.

Elizabeth A. Trott

En plus de ses deux livres, George John Blewett a rédigé « The metaphysical basis of preceptive ethics » (thèse de ph.d., Harvard Univ., Cambridge, Mass., 1900).

AO, RG 80-5-0-344, no 2603 ; RG 80-8-0-472, no 29365.— EUC-C, Fonds 3215.— Toronto Necropolis and Crematorium, Burial records and Blewett family monument, lot K-152.— Victoria Univ. Library (Toronto), W. J. Rose, « A brief pilgrimage of George John Blewett, 1873–1912 » (texte dactylographié, 1955).— Globe, 17 août 1912.— Toronto Daily Star, 16 août 1912.— Leslie Armour et E. [A.] Trott, The faces of reason : an essay on philosophy and culture in English Canada, 1850–1950 (Waterloo, Ontario, 1981).— Canadian men and women of the time (Morgan ; 1912).— Ramsay Cook, The regenerator : social criticism in late Victorian English Canada (Toronto, 1985).— A. B. McKillop, A disciplined intelligence : critical inquiry and Canadian thought in the Victorian era (Montréal, 1979).— Allen Mills, Fool for Christ : the political thought of JSWoodsworth (Toronto et Buffalo, N.Y., 1991).— Morton Paterson, « Divine encounter in Blewett », Studies in Religion (Waterloo), 6 (1976–1977) : 397–403.

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Elizabeth A. Trott, « BLEWETT, GEORGE JOHN », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 2 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/blewett_george_john_14F.html.

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Auteur de l'article:    Elizabeth A. Trott
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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1998
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