DCB/DBC Mobile beta
+

Dans le cadre de l’accord de financement entre le Dictionnaire biographique du Canada et le Musée canadien de l’histoire, nous vous invitons à participer à un court sondage.

Je veux participer maintenant.

Je participerai plus tard.

Je ne veux pas participer.

J’ai déjà répondu au sondage

Nouvelles du DBC/DCB

Nouvelles biographies

Biographies modifiées

Biographie du jour

ROBINSON, ELIZA ARDEN – Volume XIII (1901-1910)

décédée le 19 mars 1906 à Victoria

La Confédération

Le gouvernement responsable

Sir John Alexander Macdonald

De la colonie de la Rivière-Rouge au Manitoba (1812–1870)

Sir Wilfrid Laurier

Sir George-Étienne Cartier

Sports et sportifs

Les fenians

Les femmes dans le DBC/DCB

Les conférences de Charlottetown et de Québec en 1864

Les textes introductifs du DBC/DCB

Les Acadiens

Module éducatif

La guerre de 1812

Les premiers ministres du Canada en temps de guerre

La Première Guerre mondiale

AYOTTE, PIERRE-LÉON (mieux connu sous le nom de Jaquette-à-Simon), journalier et figure légendaire, né le 17 avril 1845 à Saint-Stanislas-de-la-Rivière-des-Envies (Saint-Stanislas, Québec), fils de Pierre Ayotte (Ayotte, dit Simon), cultivateur, et de Marguerite Lapointe, dit Tousignant ; décédé le 27 février 1907 à Sainte-Geneviève-de-Batiscan, Québec.

C’est dans le rang de la rivière à la Lime, dans la paroisse Sainte-Geneviève-de-Batiscan, que Pierre-Léon Ayotte passe la plus grande partie de sa vie. Cette paroisse est composée d’une population bigarrée de journaliers, de bûcherons, de cultivateurs et de commerçants qui tirent leur subsistance du travail de la terre et de l’exploitation de la forêt. La William Price and Company exploite une scierie sur la rivière Batiscan et divers particuliers, un autre moulin à scier, mais de moindre envergure, sur la rivière à la Lime, tout près du village ; ce moulin demeurera en activité jusque dans les années 1880.

On sait peu de chose sur Pierre-Léon Ayotte, tant la légende l’a dépouillé de son être historique concret. Édouard-Zotique Massicotte*, qui, dès 1929, s’est intéressé à lui, n’a pu percer avec certitude l’origine de sa bizarrerie. Il aurait dans son enfance été victime d’une de ces maladies, si courantes à l’époque, qui haussent la température du corps à un degré tel que le malade entre dans des convulsions. Celles-ci auraient provoqué une lésion cérébrale qui aurait plongé l’esprit de l’enfant dans une forme d’idiotie caractérisée par deux manies distinctes : une qui le porte à cacher des objets et l’autre qui, par une altération de la personnalité, lui fait prendre en horreur le port du pantalon. Pierre-Léon serait un maniaque porté à l’excentricité. Adolescent, il parle comme un enfant, zézaie, et ses comportements excitent la curiosité. Il cache la vaisselle, les outils et les meubles. Il ne tolère ni pantalon ni culotte. Il se vêt d’une bure, sorte de jaquette boutonnée comme un paletot, qui tombe le long de ses jambes étranglées dans des bottes de cuir ou dans des bouts de pantalons tenus par une jarretière au bas des genoux. Les pantalons dont on le revêt se déchirent dès que personne ne le regarde. Cet étrange phénomène frappe l’imagination populaire.

Le milieu où vit Pierre-Léon est un monde besogneux, pauvre et peu instruit, écrasé par les forces de la nature et les coups du destin. L’imaginaire collectif, habité par des êtres surnaturels, est le théâtre d’une lutte incessante entre le Bien et le Mal, Dieu et le Diable, qui explique les contingences de l’existence et leur confère un sens. La curiosité que suscitent les comportements bizarres de Pierre-Léon fait vite place à une quête de sens. On se met à dire qu’un soir, son père, excédé par les pleurs de son enfant, s’était exclamé : « Que le diable te berce ! » Dès ce moment, chaque soir, le berceau s’était mis à balancer sans force motrice extérieure et l’enfant, à bien dormir. Peu à peu les racontars s’amplifient : des témoins racontent avoir vu les cloisons de la maison familiale se déplacer, la grange, osciller sur ses fondements, la vaisselle, s’envoler des armoires. La légende de Jaquette-à-Simon, un possédé du diable, qu’accrédite la crédulité populaire, prend corps.

C’est l’époque où l’émigration en Nouvelle-Angleterre décime rangs et villages du comté de Champlain. Un certain Hubert Trépanier, flairant la bonne aubaine, convainc Pierre-Léon de le suivre aux États-Unis. Loin de les enrichir, la tournée des cirques et des foires tourne au désastre. Des parieurs piègent Pierre-Léon : ils le revêtent d’un costume blanc, lui enduisent de noir les mains et l’enferment dans une chambre. À sa sortie, les lambeaux de pantalon noirci démontrent que Pierre-Léon lui-même, et non quelque esprit satanique, est l’auteur du phénomène. Le recours à des médecins aliénistes confirme l’opinion des parieurs. De retour dans son patelin, Pierre-Léon mène une vie en marge des autres. Il travaille comme journalier. Le curé implore ses paroissiens de cesser de colporter des ragots. Pierre-Léon n’en attire pas moins la risée des uns et la pitié des autres. Il meurt en février 1907 à l’âge de 61 ans.

Les ragots que dénoncent le curé n’en sont pas moins devenus une légende. Et les légendes qui, dans un monde de traditions orales, donnent cohérence aux réussites des uns et aux malheurs des autres, sont nécessaires à l’homme ordinaire pour comprendre ce qui lui arrive et à la communauté pour normaliser les conduites individuelles. Longtemps, le soir à la veillée, on raconte cette légende d’un possédé du diable avec les trois séquences d’action propres à toute légende : la transgression d’un interdit, la punition et la rédemption. On en connaît plusieurs versions dont le contenu correspond à la fonction sociale qu’on lui assigne. Le romancier Marcel Trudel rapporte dans Vézine qu’on menaçait de la Jaquette-à-Simon les enfants malcommodes. La version de Mme Gisèle Dessureault-Lizé suggère que la malédiction qui pesait sur Jaquette-à-Simon était une pénitence imposée par le bon Dieu pour que se convertisse un père sacreur et buveur qui, de surcroît, avait enfreint un tabou en donnant son enfant au diable.

Dans notre monde dominé par la techno-science, les légendes ont disparu. On ne raconte plus la Jaquette-à-Simon. Mais demeurent les peurs, les angoisses, les quêtes de sens que les groupes religieux et les mass media s’efforcent de gérer.

Michèle Brassard et Jean Hamelin

AC, Trois-Rivières, Québec, État civil, Catholiques, Sainte-Geneviève-de-Batiscan, 3 mars 1907.— AN, RG 31, C1, 1861, Sainte-Geneviève-de-Batiscan.— ANQ-MBF, CE1-43, 18 avril 1845.— AUL, Arch. de folklore, 76 ; 359 ; 446 ; 798 ; 1133.— Lionel Dessureaux, « la Jaquette-à-Cimon », le Mauricien (Trois-Rivières), 11 (1938) : 9, 29.— Jean Du Berger, « le Diable à la danse » (thèse de ph.d., univ. Laval, 1980).— É.-Z. Massicotte, « Original et Détraqué », BRH, 35 (1929) : 231–233 ; Sainte-Geneviève de Batiscan (Trois-Rivières, 1936).— Colette Trudel et al., Sainte-Geneviève de Batiscan, 1833–1983 ([Sherbrooke, Québec], 1983).— Marcel Trudel, Vézine (Montréal, 1946), 74.

Bibliographie générale

Comment écrire la référence bibliographique de cette biographie

Michèle Brassard et Jean Hamelin, « AYOTTE, PIERRE-LÉON », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 19 mars 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/ayotte_pierre_leon_13F.html.

Information à utiliser pour d'autres types de référence bibliographique


Permalien: http://www.biographi.ca/fr/bio/ayotte_pierre_leon_13F.html
Auteur de l'article:    Michèle Brassard et Jean Hamelin
Titre de l'article:    AYOTTE, PIERRE-LÉON
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1994
Année de la révision:    1994
Date de consultation:    19 mars 2024