ABBOTT, ANDERSON RUFFIN, médecin, éducateur, journaliste, fonctionnaire et administrateur d’hôpital, né le 7 avril 1837 à Toronto, fils de Wilson Ruffin Abbott* et d’Ellen Toyer ; le 9 août 1871, il épousa à Toronto Mary Ann Casey, et ils eurent trois filles et deux fils ; décédé dans cette ville le 29 décembre 1913.

Anderson Ruffin Abbott naquit dans une éminente famille torontoise de race noire. Après le pillage de leur magasin en Alabama, ses parents étaient montés dans les États du Nord. Ils avaient vécu un moment à New York, mais en 1835 ou en 1836, fuyant les tensions raciales, ils s’étaient installés à Toronto. Bientôt, Wilson Ruffin Abbott s’était mis à acheter des terrains et des immeubles – dès 1871, il aurait 48 propriétés, la plupart à Toronto – et s’était lancé en politique.

Issu d’une famille aisée et doté d’un esprit vif, Anderson Ruffin Abbott fit d’excellentes études. Il fréquenta à la fois des écoles privées et publiques, dont celle de William King* dans l’établissement noir de Buxton, près de Chatham. De là, il entra à la Toronto Academy, où il se distingua par son excellence ; environ trois ans plus tard, il alla à l’Oberlin College dans l’Ohio. De retour à Toronto, il obtint, selon l’historien Daniel G. Hill, un diplôme de la Toronto School of Medicine en 1857. La même année, d’après son propre témoignage, Abbott s’inscrivit en médecine à la University of Toronto, mais, au lieu d’y rester, il étudia quatre ans auprès d’un médecin de race noire, Alexander Thomas Augusta. En 1861, quand il reçut son autorisation d’exercer du Medical Board of Upper Canada, il devint le premier médecin noir né au Canada.

En février 1863, pendant la guerre de Sécession, Abbott offrit ses services à l’armée de l’Union comme médecin auxiliaire. Manifestement, on lui refusa cette commission. En avril, conscient des risques auxquels les Noirs s’exposaient dans l’armée, il présenta une nouvelle requête, cette fois pour être « cadet médecin » dans un régiment d’hommes de couleur. Finalement, il fut engagé par contrat comme médecin civil. De juin 1863 à août 1865, il servit à Washington, d’abord au Contraband Hospital (camp Baker), puis au Freedman’s Hospital. De là, il passa sur l’autre rive du Potomac, à Arlington, où il dirigea un hôpital. Abbott reçut maints éloges et devint populaire dans la société de Washington. Il fit partie des personnes choisies qui veillèrent le président Abraham Lincoln pendant son agonie en avril 1865. Par la suite, Mary Todd Lincoln lui remit l’écharpe que son mari portait à sa première cérémonie d’installation.

Abbott démissionna en avril 1866 et rentra au Canada la même année. Il entreprit des études de médecine à la University of Toronto en 1867 et, même s’il ne recevrait jamais de diplôme, il ouvrit un cabinet. Son admission au College of Physicians and Surgeons of Ontario eut lieu en 1871. Après avoir épousé au cours d’une cérémonie anglicane Mary Ann Casey, âgée de 18 ans et fille d’un barbier noir prospère, il s’installa avec elle à Chatham, où il continua d’exercer la médecine.

À l’instar de son père, Abbott ne tarda pas à devenir un notable dans son milieu. À titre de président du Wilberforce Educational Institute de 1873 à 1880, il combattit la ségrégation scolaire dans sa région. En 1874, on le nomma coroner du comté de Kent. Collaborateur du Planet de Chatham, il trouva aussi le temps d’être corédacteur du Messenger, organe local de l’Église épiscopale méthodiste britannique. En 1878, il accéda à la présidence de la Chatham Literary and Debating Society et de la Chatham Medical Society.

En 1881, Abbott installa son cabinet à Dundas, en Ontario, où il assuma encore plusieurs fonctions, dont celle d’administrateur de l’école secondaire en 1883 puis de président du comité de gestion interne de la municipalité de 1885 à 1889. La famille s’établit à Oakville en 1889 et retourna à Toronto l’année suivante. En avril 1891, Abbott fut élu membre du James S. Knowlton Post No. 532 de la Grand Army of The Republic ; il devint ainsi l’un des 273 anciens combattants de la guerre de Sécession à Toronto à porter l’insigne de cette association. On l’appelait le capitaine Abbott ; d’après certaines sources, il avait conquis ce grade dans ses années de guerre, mais plus probablement, c’était un grade honoraire que la Grand Army of the Republic lui avait conféré par la suite. Une autre distinction lui échut en novembre 1892 : le titre d’aide de camp « de l’état-major du bureau des commandants » de New York. Il s’agissait du plus haut honneur militaire jamais conféré jusque-là à un Canadien ou à un Américain d’ascendance africaine. Abbott et sa famille en étaient très fiers.

En 1894, la carrière d’Abbott prit un nouveau tournant, car il accepta le poste de médecin-chef au Provident Hospital de Chicago. Fondé en 1892, c’était le premier hôpital voué à la formation des infirmières et infirmiers de race noire aux États-Unis. En 1896, Abbott en devint le surintendant médical ; il démissionna l’année suivante « pour raisons d’affaires », dit-il.

Abbott retourna à Toronto, où il se remit à la pratique privée et se consacra de plus en plus à la rédaction d’éditoriaux et d’articles pour des journaux et des revues tels le Colored American Magazine de Boston et New York, l’Anglo-American Magazine de Londres et le New York Age. Ses écrits portaient notamment sur l’histoire des Noirs, la guerre de Sécession, le darwinisme, la biologie, la poésie et la médecine. À l’aube du xxe siècle, il participa au débat entre William Edward Burghardt Du Bois et Booker Taliaferro Washington sur le changement social pour les Noirs. Comme Du Bois, il était convaincu de la nécessité de ne pas compromettre l’accès des Noirs aux études supérieures. Sa vie offrait un bon exemple de ce qu’une talentueuse personne de couleur pouvait accomplir si on lui en donnait la chance. Néanmoins, il croyait que les Noirs finiraient par être assimilés : « Il est tout aussi naturel pour deux races vivant ensemble sur le même sol de se mélanger que pour les eaux de deux affluents de se confondre. » Comme la population noire du Canada diminuait alors, il ajoutait : « sous l’effet de l’absorption et de l’expatriation, la lignée des gens de couleur finira par disparaître du Canada ».

En 1913, à l’âge de 76 ans, Anderson Ruffin Abbott mourut chez son gendre Frederick Langdon Hubbard, fils de son vieil ami le réformateur municipal noir William Peyton Hubbard*.

Owen Andrew Thomas

L’information sur Anderson Ruffin Abbott provient de dossiers personnels conservés par Catharine Slaney, de Georgetown, Ontario, arrière-petite-fille du sujet.  [o. a. t.]

Parmi les publications d’Abbott figure « Some recollections of Lincoln’s assassination », Anglo-American Magazine (Londres), mai 1901 ; on en trouve un exemplaire dans ses papiers à la MTRL.

AO, RG 22-305, nos 2068, 27897 ; RG 80-5-0-12, vol. 11, f.382.— MTRL, BR, A. R. Abbott papers.— National Arch. (Washington), RG 94 (Records of the Adjutant General’s Office), Record and pension office records, widow div., widow no 1593516.— UTA, P78-0158, faculty of medicine, 1867.— Globe, 30 déc. 1913.— Annuaires, Ontario, 1871 : 809 ; Toronto, 1875, 1892–1900.— L. W. Bertley, Canada and its people of African descent (Pierrefonds, Québec, 1977).— D. G. Hill, The freedom-seekers : blacks in early Canada (Agincourt [North York], Ontario, 1981).— S. L. Hubbard, Against all odds : the story of William Peyton Hubbard, black leader and municipal reformer (Toronto et Reading, Angleterre, 1987).— H. S. Robinson « Anderson Ruffin Abbott, md, 1837–1913 », National Medical Institute, Journal (Tuskegee, Ala), 72 (1980) :713–716.— Headley Tulloch, Black Canadians : a long line of fighters (Toronto, 1975).— R. W. Winks, The blacks in Canada : a history (Montréal, 1971).

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Owen Andrew Thomas, « ABBOTT, ANDERSON RUFFIN », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 20 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/abbott_anderson_ruffin_14F.html.

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Auteur de l'article:    Owen Andrew Thomas
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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1998
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