GADBOIS, ALBINE, dite Marie de Bonsecours, sœur de la Providence de Montréal, fondatrice et directrice de l’Institution des sourdes-muettes de Montréal, née le 22 janvier 1830, fille de Victor Vandandaigue, dit Gadbois, de Belœil (comté de Verchères), et d’Angélique Daignault, de Longueuil (comté de Chambly), décédée à Montréal le 31 octobre 1874 et inhumée au cimetière de la communauté, à Longue-Pointe, le 3 novembre 1874.

Albine Gadbois appartenait à une famille venue de la Flandre française à Québec vers 1675. Son père cultivait un riche et spacieux domaine à Belœil, en bordure de la rivière Richelieu et au pied du mont Saint-Hilaire. Il avait une fortune qui lui permit de faire donner à ses huit enfants un enseignement privé de français, d’anglais et de bienséance. À mesure que ses enfants grandissaient, Victor Gadbois les mettait au courant de ses affaires. À son insu, il contribuait ainsi à la fondation de l’œuvre des sourdes-muettes. En effet, l’histoire d’Albine Gadbois et de trois de ses sœurs entrées à la Providence s’identifie à celle de l’Institution des sourdes-muettes de Montréal.

En 1846, le curé de Saint-Charles-sur-Richelieu, l’abbé Charles-Irénée Lagorce*, ouvrit grâce à mère Marie-Émilie-Eugénie Tavernier*, fondatrice des sœurs de la Providence, une école pour sourds-muets des deux sexes dans une salle de l’asile, alors maison mère des sœurs à Montréal. Avec le personnel de la maison, Albine Gadbois, encore novice, assistait aux leçons de catéchisme du dimanche et s’y montrait particulièrement intéressée. La scène réveillait en elle un souvenir : en présence d’un sourd-muet que ses parents avaient autrefois reçu à la maison, elle avait éprouvé le vif désir de secourir les enfants affligés de surdi-mutité. Elle avait dit : « Je me ferai religieuse et je prendrai soin de ces malheureux. » Elle entra à la Providence le 17 mars 1847 et fit profession religieuse le 31 mars 1849. Nommée alors au pensionnat de Longue-Pointe, Marie de Bonsecours y trouva tout à fait par hasard une fillette sourde-muette de huit ans, et fut appelée à se consacrer exclusivement à son éducation et à celle de la fille d’un ami de sa famille. Le 19 février 1851, l’œuvre des sourdes-muettes était ainsi fondée.

Comme elle voyait grand, la fondatrice demanda d’aller étudier à L’Industrie (Joliette) où les Clercs de Saint-Viateur venaient d’organiser une classe de sourds-muets. C’était en 1852 et l’abbé Lagorce, récemment entré chez les Clercs de Saint-Viateur, revenait lui-même d’un séjour d’études en France. Sept semaines plus tard, la jeune institutrice revenait à Longue-Pointe avec une troisième élève. Puis, en 1853, alors que dix sourdes-muettes fréquentaient l’institution, Marie de Bonsecours partit pour New York. Comme simple étudiante, en costume séculier, elle passa une année à l’institution Peet (New York School for the Deaf). Enrichie de nouvelles connaissances théoriques et pratiques, Marie de Bonsecours reprit son enseignement à Montréal, en juillet 1854. Elle ramenait avec elle des recrues et portait ainsi à 20 le nombre des élèves. Elle passa huit mois à New York en 1858 et fit plusieurs autres séjours d’études aux États-Unis.

Mais l’institution naissante souffrait déjà de l’exiguité du local dont elle disposait à Longue-Pointe. Le 8 juillet 1858, on transféra donc ses 32 élèves à la maison Saint-Joseph des sœurs de la Providence, près de l’asile. On avait alors obtenu une allocation gouvernementale de $480 ainsi que des contributions de quelques municipalités. Le public répondait généreusement à la quête annuelle de l’institution, mais pendant ses 30 premières années l’œuvre vivait surtout de la générosité des parents et des amis de la fondatrice. Il est donc vrai d’affirmer que l’Institution des sourdes-muettes de Montréal doit sa vie à la famille Gadbois. À la suite de leur sœur, Azilda, Malvina et Philomène Gadbois donnèrent le meilleur de leur vie à l’institution. Les parents y consacrèrent tous leurs biens, convertissant même en succursale leur ferme devenue très grande par suite de l’entrée en religion de leurs sept filles et de la mort accidentelle de leur unique fils. L’hospice, La Providence Saint-Victor, témoigne encore au pied du mont Saint-Hilaire de la générosité d’une famille.

À son tour, la maison Saint-Joseph devint trop petite. Un avocat de Montréal, Côme-Séraphin Cherrier*, donna pour l’œuvre le 17 juillet 1863 un terrain rue Saint-Denis, dans le quartier Saint-Jacques, à l’extrémité de sa propriété. La pauvreté pesait sur la communauté de la Providence ; Marie de Bonsecours ne disposait que de $300 pour élever une construction. Heureusement, un don de quelques milliers de dollars lui permit de répondre aux légitimes exigences de l’œuvre. Dès juillet 1864, une maison de pierre brute ouvrit ses portes aux sourdes-muettes, là où se dresse l’actuelle Institution des sourdes-muettes de Montréal.

Marie de Bonsecours ne négligeait rien pour son œuvre. Au départ, elle avait adopté sous l’influence des Clercs de Saint-Viateur la méthode mimique de l’abbé Charles-Michel de l’Épée. Ce célèbre éducateur français du xviiie siècle avait créé pour les sourds-muets un langage de signes conventionnels. Mais sœur Marie de Bonsecours passa en Europe en mai 1870 afin de s’initier à une méthode d’enseignement, qui avait été créée en Allemagne. Cette méthode, dite orale, s’appuie sur le principe que le mutisme des sourds-muets est le plus souvent dû à la privation de l’audition et non au défaut des organes vocaux. Il est donc possible de faire percevoir la parole au sourd-muet au moyen de la vue et du toucher et de lui apprendre ainsi à prononcer peu à peu des sons, des syllabes, des mots et des phrases. De mai à juillet 1870, sœur Marie de Bonsecours visita donc des institutions similaires à la sienne, en Belgique, en France, en Angleterre et en Irlande. À l’automne de 1870, elle donnait dans son institution la priorité à la méthode orale sur la méthode dactylologique, ne conservant la méthode mimique que pour les cas extrêmes.

L’œuvre de sœur Marie de Bonsecours se perfectionnait et grandissait. En janvier 1872, on ajouta une aile à la maison de la rue Saint-Denis. Ce fut la dernière construction que surveilla la fondatrice. En août 1874, elle revint malade d’une mission à Missoula (Montana), atteinte d’un cancer à la gorge. Elle ne rentra que pour mourir chez elle, à l’Institution des sourdes-muettes de Montréal, œuvre qu’elle avait elle-même créée, organisée et développée avec une volonté tenace et une inlassable charité. Sur 44 ans de sa vie, Albine Gadbois, dite sœur Marie de Bonsecours, en avait consacré 24 à l’éducation des sourdes-muettes. En les sortant de leur isolement intellectuel et moral, elle les avait rendues à elles-mêmes et à la société canadienne.

Andrée Désilets

Nécrologies des Filles de la Charité Servantes des Pauvres, dites sœurs de la Providence de Montréal (1847–1891) (2e éd., Montréal, 1921), 124–143.— Au pas de la Providence, les étapes d’un centenaire, 1851–1950 (Montréal, 1950).— L’Institution des sourdes-muettes, à Montréal, La Semaine religieuse de Montréal, 20 févr. 1892.— Mémorial nécrologique : S. M. de Bonsecours, La Minerve (Montréal), 5 nov. 1874.

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Andrée Désilets, « GADBOIS, ALBINE, dite Marie de Bonsecours », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 10, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 9 oct. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/gadbois_albine_10F.html.

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Auteur de l'article:    Andrée Désilets
Titre de l'article:    GADBOIS, ALBINE, dite Marie de Bonsecours
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 10
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1972
Année de la révision:    1972
Date de consultation:    9 oct. 2024