NAFZIGER, CHRISTIAN, colonisateur, né en 1776 en Bavière (République fédérale d’Allemagne) ; il épousa une prénommée Maria, et ils eurent trois fils et deux filles ; décédé le 13 avril 1836 dans le canton de Wilmot, Haut-Canada.

Les Nafziger appartenaient à la secte mennonite des amish, issue du courant anabaptiste ou radical de la Réforme. Les amish, généralement considérés comme le plus traditionnel des groupes mennonites, devaient leur nom à Jacob Ammann, évêque mennonite de nationalité suisse sous la direction duquel ils avaient formé un groupe distinct vers 1700.

Dans les derniers mois de 1821, Christian Nafziger, paysan des environs de Munich, en Bavière, laissa sa famille pour se rendre à Amsterdam. Avec l’aide d’amis mennonites de Hollande, il s’embarqua pour Philadelphie en décembre. Apparemment détourné de sa course par les vents, le navire accosta à La Nouvelle-Orléans en mars 1822. Après avoir remonté le Mississippi en bateau à aubes jusqu’à Cincinnati, en Ohio, Nafziger gagna la Pennsylvanie, où vivait une très nombreuse colonie de mennonites. Comme le prix des terres augmentait dans la région, ses amis lui suggérèrent de tenter sa chance au Canada, où l’on pouvait présumément s’établir à meilleur compte.

Nanti de fonds supplémentaires et d’un moyen de transport, Nafziger arriva dans le Haut-Canada en août 1822. Avec l’aide de quelques mennonites du comté de Waterloo, que dirigeait Jacob Erb, il présenta au lieutenant-gouverneur sir Peregrine Maitland*, à York (Toronto), une requête en vue d’obtenir dans le comté de Lincoln des terres pour environ 70 familles amish. Le Conseil exécutif donna son accord de principe le 4 septembre, puis Nafziger retourna sans tarder en Europe, via New York et Londres où, croit-on, George IV lui confirma l’octroi de la concession au cours d’une audience.

Au début de 1824, par suite d’une requête soumise par Erb au nom de Nafziger, on réserva aux nouveaux immigrants une étendue de terre située là où se trouve aujourd’hui le canton de Wilmot, et qu’arpenta John Goessman. Le « German Block », comme on finit par l’appeler, était constitué de lots de 200 acres situés d’un côté ou de l’autre de trois routes parallèles à l’ouest du principal village mennonite. Chaque famille recevrait 50 acres de terre, en échange de quoi elle devrait construire une maison et défricher à l’avant de son terrain une bande où l’on tracerait un chemin. Les 150 autres acres de chaque lot pourraient être achetées plus tard.

Les amish commencèrent d’arriver en 1824. Nafziger, quant à lui, ne revint qu’en 1826 et s’installa avec femme et enfants sur le lot 6, au nord du chemin de Bleam. Peter Nafziger, qui allait être évêque (elder) de la congrégation amish – la première au Canada – jusqu’à son départ pour l’Ohio en 1831, avait traversé l’Atlantique en sa compagnie.

En 1828, on transféra les sections de 150 acres du German Block à l’université subventionnée par la province, King’s College, qui haussa leur prix. Par la suite, Christian Nafziger et les colons allemands se plaignirent au commissaire des Terres de la couronne, Peter Robinson, qui en janvier 1830 chargea l’arpenteur Samuel Street Wilmot d’inspecter toute la concession puis de faire rapport sur la valeur des terres et le nombre d’habitants habilités à présenter une offre d’achat. Le mois suivant, Wilmot signala que 55 « colons hollandais fort industrieux et paisibles », venus d’Allemagne et de Pennsylvanie, avaient défriché en tout 1 197 acres de terre. Il recommandait qu’on vende les sections de 150 acres à un prix raisonnable aux colons originaux qui avaient rempli les conditions de concession et qu’on oblige les spéculateurs à restituer les terrains qu’ils avaient acquis. De toute évidence, la confusion continua de régner car, en 1832, l’existence d’un titre fait au nom du King’s Collège compliqua l’attribution à Nafziger d’un titre de propriété sur sa section de 150 acres.

On sait peu de chose sur la vie privée et la personnalité de Nafziger. Il ne manquait certes pas de témérité puisqu’il s’était montré prêt à quitter sa famille, à s’endetter et à entreprendre un voyage dangereux. Intéressé à améliorer son propre sort, il n’avait cependant pas oublié d’en faire profiter des membres de sa secte. Pour plusieurs de ses compatriotes, son initiative ouvrit la porte à une vie meilleure dans le Nouveau Monde.

La vague d’immigration amish qu’avaient amorcée les explorations de Christian Nafziger ne tarda pas à s’étendre au delà du German Block, dans les comtés de Perth, d’Oxford et de Huron. Par ailleurs, les nouveaux immigrants allemands n’étaient pas tous des amish : des catholiques et des luthériens venus des mêmes régions d’Europe les rejoignirent bientôt dans le Haut-Canada. Sans partager les mêmes croyances religieuses, ces premiers colons avaient en commun de nombreux traits culturels, et leurs descendants ont vécu et travaillé côte à côte pendant des générations.

Orland Gingerich

AO, RG 1, A-I-6 : 9505–9506 ; C-IV, Wilmot Township, lot 5, North Erb Street.— APC, RG 1, E2, 20 ; L3, 208a : 615/42 ; 209 : G16/8.— Canada Museum, und Allgemeine Zeitung (Berlin [Kitchener, Ontario]), 28 avril, 5 mai 1836.— L. J. Burkholder, A brief history of the Mennonites in Ontario [...] ([Toronto], 1935).— Orland Gingerich, The Amish of Canada (Waterloo, Ontario, 1972).— B. M. Dunham, « Mid-European backgrounds of Waterloo County », OH, 37 (1945) : 59–70.

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Orland Gingerich, « NAFZIGER, CHRISTIAN », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 25 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/nafziger_christian_7F.html.

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Auteur de l'article:    Orland Gingerich
Titre de l'article:    NAFZIGER, CHRISTIAN
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1988
Année de la révision:    1988
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