BRILLANT, JEAN (baptisé Jean-Baptiste-Arthur), télégraphiste et officier, né le 15 mars 1890 à Assemetquagan (Routhierville, Québec), fils de Joseph Brillant, sectionnaire, et de Rose-de-Lima Raiche ; décédé le 10 août 1918 en France.

Par sa naissance à Assemetquagan, paisible village au nom algonquin de la vallée de la Matapédia, Jean Brillant semblait prédestiné à une existence tranquille et sans histoire. Ce ne fut pourtant pas le cas. Il connut une existence courte et mouvementée qui s’acheva abruptement sur un champ de bataille. La vie militaire eut toujours un certain attrait pour la famille Brillant : l’ancêtre des Brillant au Canada, Olivier Morel* de La Durantaye, arrivé au pays avec le régiment de Carignan-Salières, fut un officier remarquable ; l’arrière-grand-père de Jean Brillant, Henri de Boisbrillant de La Durantaye, fut lieutenant dans le 1er bataillon de Cornwallis, et un grand-oncle, Octave de Boisbrillant, enseigne au 1er bataillon de milice de Rimouski ; enfin, Jules-André*, frère aîné de Jean, fut un homme d’affaires éminent, un conseiller législatif et un colonel honoraire des fusiliers du Saint-Laurent.

Jean Brillant était encore jeune lorsqu’il offrit ses services au 89e régiment du Témiscouata et de Rimouski (en 1920, ce régiment deviendrait les fusiliers du Saint-Laurent). En 1916, durant la Première Guerre mondiale, désirant faire partie du Corps expéditionnaire canadien, il déclara avoir déjà servi 13 ans avec cette unité. Il détenait à ce moment-là le grade de lieutenant. Selon l’historien du 89e, Léopold Lamontagne, Brillant avait étudié au collège Saint-Joseph de Memramcook, au Nouveau-Brunswick, puis au séminaire de Rimouski (1904–1905). Par la suite, il travailla comme télégraphiste pour un chemin de fer.

L’année 1916 fut déterminante pour le lieutenant Brillant. Au cours de l’année précédente, le 22e bataillon, la seule unité d’infanterie canadienne-française à servir sur les champs de bataille durant la Première Guerre mondiale, avait subi de lourdes pertes et avait conséquemment grand besoin de renforts. Le major Philippe-Auguste Piuze crut pouvoir aider à combler ce besoin en levant lui-même un bataillon dans un territoire qu’il connaissait bien pour y avoir vécu et travaillé, le Bas-Saint-Laurent et la Gaspésie. À la suite de plusieurs autres [V. Onésime Readman), il demanda au ministre de la Milice et de la Défense, sir Samuel Hughes*, l’autorisation de former un bataillon, et il l’obtint le 10 janvier 1916. C’est ainsi qu’il entreprit de mettre sur pied le 189e bataillon d’infanterie du Corps expéditionnaire canadien. Il fit appel au 89e régiment avec lequel il avait servi, et Brillant, qui s’y trouvait encore, décida de se joindre à lui.

Le 20 mars 1916, Brillant quitta donc son emploi de télégraphiste. Après une période d’entraînement d’environ six mois à Valcartier, il embarqua pour l’Angleterre avec le 189e bataillon d’infanterie le 27 septembre 1916 et fut affecté au 69e bataillon d’infanterie le 6 octobre, jour du débarquement de son unité à Liverpool. Le 27 octobre, il partait pour la France, où il rejoignit le 22e bataillon qui était à refaire ses forces et à se réorganiser à Bully-Grenay.

L’hiver qui suivit l’arrivée de Brillant au front fut plutôt calme. La 2e division, à laquelle appartenait le 22e bataillon, demeura en face de Liévin, dans le nord-est de la France, où l’armée allemande n’entreprit rien d’important. Il y eut bien quelques petites avances des alliés ici et là, mais ce fut à peu près tout. Brillant dut passer de longues heures et semaines dans des tranchées limoneuses et malsaines qui lui rendirent la vie pénible. Il s’en confia aux siens, mais de façon pondérée : « Je suis dans les tranchées depuis un mois et demi ; on a hâte de voir les boches » (12 décembre 1916) ; « notre front est d’un calme désespérant » (15 décembre 1916) ; « ce n’est pas toujours amusant de passer une nuit entière sans bouger par une température froide et humide, mais ces choses passent encore inaperçues. Ce qui me fait souffrir davantage c’est de rester ainsi botté pendant longtemps » (mars 1917). En fait, la plus grande partie de l’année 1917 fut, semble-t-il, plutôt décevante pour Brillant. Entre le 9 et le 14 avril 1917, il eut l’occasion de prendre part à l’offensive contre la crête de Vimy, mais quelques jours plus tard, il dut être hospitalisé. Le 20 avril, il en faisait part à son père en ces termes : « Je suis à l’hôpital malade des fièvres des tranchées. Je me hâte d’ajouter que cette maladie n’a rien d’alarmant, un peu de fièvre avec une grande lassitude dans les jambes, qui va quelquefois jusqu’à l’incapacité de marcher. » Il eut bien également l’occasion de suivre un cours et aussi de visiter Calais, Boulogne-sur-mer et Paris, mais il se retrouva de nouveau à l’hôpital au mois de juillet, cette fois à Étaples, au sud de Boulogne, pour une affection plus coriace que la précédente. Il retourna à son unité seulement le 19 septembre, soit après deux mois d’absence.

L’année 1918 fut toutefois bien différente de la première année complète que Brillant avait passée en France. La guerre avait commencé à revêtir pour lui son vrai visage. Il avait déjà vécu des expériences pénibles et en prévoyait d’autres. Le 1er mai, il écrivit à un oncle : « Nous sommes de plus en plus occupés, il se prépare de grandes choses pour un avenir prochain. Que cette guerre effroyable coûte de sang et de souffrances. Il peut y avoir un certain plaisir à l’art militaire, à prendre un objectif longtemps convoité, à faire de la tactique, mais ces considérations vont toujours avec accompagnement de douleurs et de larmes. » Moins d’un mois après avoir écrit cette lettre, soit dans la nuit du 27 au 28 mai, au moment où Brillant se trouvait à proximité de Boiry-Becquerelle, à quelque 110 milles au nord de Paris, il fut appelé à prendre part à une opération destinée à réduire au silence un poste défendu par deux mitrailleuses et une cinquantaine d’hommes. À la tête d’un groupe de volontaires, il s’élança vers la position ennemie, cisailla les barbelés qui la protégeaient et, malgré une riposte nourrie de ses défenseurs, poursuivit son avance. Il n’était plus loin de son objectif lorsqu’il se rendit compte qu’une poignée d’hommes cherchaient à prendre la fuite. Il se mit à leur poursuite, les rattrapa et en mit lui-même quatre hors de combat et en captura un cinquième. Ce dernier, ramené dans les lignes du bataillon, fournit de précieux renseignements. Brillant, qui demeura ce jour-là au combat malgré ses blessures, devait recevoir pour sa bravoure la Croix militaire le 16 septembre 1918.

La bataille d’Amiens, qui eut lieu au cours du mois d’août suivant, donna aussi à Brillant l’occasion de s’illustrer. Le 8 août, au tout début de l’avance, voyant qu’une mitrailleuse tenait en échec le flanc gauche de sa compagnie, il se précipita seul vers elle, s’en empara et tua deux mitrailleurs. Bien que blessé au bras gauche, il refusa de se faire évacuer et revint au combat le lendemain. Commandant cette fois deux pelotons au cours d’un combat à la baïonnette et à la grenade, il captura 15 mitrailleuses et fit 150 prisonniers. Blessé à cette occasion à la tête, il refusa une fois de plus de quitter sa compagnie ; peu après, il menait une charge contre un canon de quatre pouces qui tirait de plein fouet sur son unité. Atteint cette fois au ventre par des éclats d’obus, il poursuivit tant bien que mal son avance vers la pièce convoitée, puis épuisé, il s’écroula finalement pour ne plus se relever. S’accrochant à la vie dans un hôpital de campagne durant quelques heures, il mourut le lendemain, le 10 août 1918 ; il n’avait que 28 ans. « Pour bravoure exceptionnelle et zèle infatigable dans l’accomplissement de son devoir », il reçut, à titre posthume cette fois, le 27 septembre, la croix de Victoria, la plus haute décoration britannique. Ses restes reposent aujourd’hui au cimetière militaire australien de Villers-Bretonneux, à l’est d’Amiens.

Le souvenir du lieutenant Jean Brillant est conservé aujourd’hui de diverses manières et à maints endroits, notamment à Québec, au Musée du Royal 22e Régiment, à Montréal, parc Jean-Brillant, à la Base des Forces canadiennes Valcartier, à Rimouski, à Sainte-Foy et dans plusieurs publications. Avec le caporal Joseph Kaeble, qui eut une existence semblable à la sienne, il figure parmi les plus illustres militaires canadiens de la Première Guerre mondiale.

Jacques Castonguay

AN, RG 150, Acc. 1992–93/166, boîte 1069.— ANQ-BSL-GIM, CE1-28, 18 mars 1890.— Arch. de la Régie du Royal 22e Régiment (Québec), Dossiers hist. du personnel, 7105 (Jean Brillant).— London Cazette, 16, 27 sept. 1918.— Le Progrès du Golfe (Rimouski, Québec), 20 déc. 1918, 15 févr. 1935.— L’Amicale du 22e Inc. (Québec), 1, (1947), no 9 : 3 ; 2 (1948), no 8 : 11 ; 4 (1950), no 10 : 46 ; 7 (1953), no 5 : 13 ; 8 (1954), no 10 : 21 ; 9 (1955), no 11 : 7 ; 10 (1956), no 3 : 2 ; 18 (1964), no 11 : 5 ; no 12 : 14.— Le Capitaine Jean Brillant, c.v., c.m. (Rimouski, 1920).— Joseph Chaballe, Histoire du 22e bataillon canadien français [...] (Montréal, 1952).— La Citadelle (Québec), 10 (9174), no 4 : 3.— « Commémoraison de Vimy ; remise d’un drapeau et dévoilement d’une plaque à Jean Brillant, v.c., m.c. », la Citadelle, 25 (1989), no 1 : 12s.— J.-P. Gagnon, le 22e bataillon (canadien français), 1914–1919 ; étude socio-militaire (Québec et Ottawa, 1986).— Léopold Lamontagne, les Archives régimentaires des Fusiliers du Saint-Laurent (Rimouski, 1943), 143–146.— G. C. Machum, Canada’s V.C.’s ; the story of Canadians who have been awarded the Victoria Cross [...] (Toronto, 1956).— Nicholson, CEC.— J. G. Scott, « Uncommon valour : Canadian winners of the Victoria Cross », Esprit de corps (Ottawa), 4 (1994), no 4 : 30s.— Valiant men : Canada’s Victoria Cross and George Cross winners, John Swettenham, édit. (Toronto, 1973).

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Jacques Castonguay, « BRILLANT, JEAN (baptisé Jean-Baptiste-Arthur) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 23 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/brillant_jean_14F.html.

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Titre de l'article:    BRILLANT, JEAN (baptisé Jean-Baptiste-Arthur)
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1998
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