PROVANCHER, LÉON, prêtre catholique, naturaliste, auteur, éditeur et rédacteur, né le 10 mars 1820 à Bécancour, Bas-Canada, fils de Joseph-Étienne Provancher et de Geneviève Hébert ; décédé le 23 mars 1892 à Cap-Rouge, Québec.

Le goût de Léon Provancher pour les sciences naturelles remonte à son enfance. Il est alors fortement impressionné par un mollusque fossilisé que découvrent des ouvriers en creusant un puits. Cet événement en apparence anodin éveille sa curiosité et son intérêt pour la nature. Très jeune, il apprend le nom d’un grand nombre de plantes et d’arbres. En 1834, grâce à une bourse d’études, il entre au séminaire de Nicolet, où il obtient presque chaque année le prix d’horticulture. À 20 ans, sa philosophie terminée, il commence sa théologie. En même temps, il enseigne la syntaxe, la méthode, les belles-lettres et la rhétorique. On l’ordonne prêtre le 12 septembre 1844 à Québec avec Jean Langevin, Antoine Racine et deux autres confrères.

Provancher est nommé vicaire dans son village natal, puis dans les paroisses Saint-Roch, à Québec, Saint-François (à Beauceville), Sainte-Marie, Saint-Gervais et Saint-Henri-de-Lauzon (Saint-Henri). En 1847, il va exercer son ministère à Grosse Île, auprès des malheureux Irlandais décimés par le typhus. L’année suivante, devenu curé de Saint-Victor, dans la Beauce, il reprend ses travaux en horticulture et tente de maîtriser l’art de la greffe des arbres et des arbustes. Nommé curé de Saint-Jean-Baptiste, à L’Isle-Verte, en 1852, il s’intéresse à la faune et à la flore du littoral et, plus particulièrement, aux mollusques.

En septembre 1854, Provancher devient curé de Saint-Joachim, où son esprit d’initiative l’amène à refaire les dépendances de la fabrique, à réparer le presbytère, à agrandir l’église et à y installer le chauffage, à construire le clocher, à renouveler les vêtements du culte et à mettre sur pied l’assurance des édifices paroissiaux. En quête de nouveaux revenus, il décide de vendre annuellement les bancs de l’église, y compris celui du seigneur, que détenait le séminaire de Québec ; ce dernier lui intente un procès, et Provancher se verra obligé de respecter les droits seigneuriaux.

Provancher n’en délaisse pas pour autant les sciences naturelles. En 1857, sous le pseudonyme d’Émilien Dupont, il publie Essai sur les insectes et les maladies qui affectent le blé. Il s’agit d’un texte présenté à un concours qu’avait lancé le gouvernement en 1856 dans le but de remédier aux problèmes que connaissait la culture des céréales dans le pays depuis l’arrivée de la mouche de Hesse au cours des années 1830. Provancher obtient le troisième prix. L’année suivante, il fait paraître Traité élémentaire de botanique [...], le premier ouvrage du genre au Canada ; longtemps utilisé dans les maisons d’enseignement, il cessera de l’être avec la parution à Québec en 1870 d’Éléments de botanique et de physiologie végétale [...] de Louis-Ovide Brunet* et, à Montréal en 1871, de Cours élémentaire de botanique [...] de Jean Moyen. D’ailleurs, en 1861, Provancher fait la connaissance de Brunet, professeur de botanique à l’université Laval, et il herborise avec lui dans différentes régions du Bas et du Haut-Canada. Intrigué par les nombreux insectes qui parasitent les plantes de son jardin, Provancher s’initie à l’entomologie sous la direction de William Couper*. Il demande à Spencer Fullerton Baird, de la Smithsonian Institution à Washington, de lui faire connaître les ouvrages américains qui pourraient lui être les plus utiles dans cette science, et à l’entomologiste William Henry Edwards, de New York, de lui faire parvenir des épingles entomologiques.

La vivacité de Provancher, son fort caractère et son franc-parler en viennent à déplaire sérieusement aux prêtres du séminaire et aux paroissiens de Saint-Joachim. Après plusieurs réprimandes, l’archevêque de Québec l’affecte à la paroisse Notre-Dame-de-Portneuf en 1862. Provancher participe à l’érection civile de la paroisse, contribue à assainir les finances et à faire plusieurs réparations et améliorations à l’église. Il organise une fraternité du Tiers ordre franciscain et essaie vainement d’obtenir de l’archevêque la permission de fonder un couvent et un pensionnat pour jeunes filles. Dans le but de combattre l’alcoolisme, il crée une compagnie de navigation afin d’empêcher les caboteurs de livrer de l’alcool à Portneuf ; il fait construire par les paroissiens le Portneuf, qui sera désormais le seul bateau à vapeur à faire du cabotage entre Québec et la côte. Enfin, avec l’aide d’un neveu, il établit une pépinière d’arbres fruitiers qui sert de modèle aux cultivateurs.

Provancher consacre ses heures de loisir à l’entomologie. Il noue de solides contacts avec quelques Canadiens et plusieurs Américains renommés en ce domaine et engage même une correspondance fructueuse avec beaucoup d’entre eux. Souvent, il leur expédie des boîtes de spécimens d’insectes et leur demande de vérifier ses identifications et de résoudre pour lui les cas embarrassants. Lorsqu’il deviendra plus familier avec les groupes d’insectes qu’il affectionne le plus et que ses correspondants le considéreront comme un expert dans le domaine, il fera des échanges plus soutenus avec certains.

Au cours de l’été de 1862, Provancher fait paraître le Verger canadien [...] où transparaît sa grande maîtrise de l’horticulture. Édité à trois reprises, cet ouvrage contient toutes les informations utiles pour réussir la culture des fruits, des légumes et des fleurs dans le Bas-Canada. La même année, il obtient une aide financière du gouvernement, qui lui permet de publier Flore canadienne [...] en deux volumes. Provancher emprunte beaucoup aux auteurs américains. Le botaniste américain Asa Gray, qui reconnaît ses propres illustrations dans l’ouvrage, le critique sévèrement et va même jusqu’à ne pas le mentionner dans ses travaux. La plupart des botanistes professionnels feront de même, et Flore canadienne tombera dans l’oubli. Pendant plus de 70 ans toutefois, l’ouvrage de Provancher restera le vade-mecum des amateurs canadiens-français jusqu’à la parution à Montréal en 1931 de Flore-manuel de la province de Québec du père Louis-Marie [Louis Lalonde] et de Flore laurentienne du frère Marie-Victorin [Conrad Kirouac*] en 1935.

En 1868, Provancher estime que le temps est venu de publier en français une revue spécialement vouée à l’histoire naturelle. Il offre au public le Naturaliste canadien, où les savants vont pouvoir exposer leurs observations et leurs découvertes, et les amateurs s’initier à l’étude de la nature. Environ 400 personnes reçoivent le premier numéro du Naturaliste canadien en décembre 1868. Dès le début, Provancher exprime son intention de consacrer beaucoup d’espace à l’entomologie, mais sa revue lui sert aussi de tribune où exposer ses idées sur une foule d’autres sujets.

Entre-temps, le tempérament vif et tranchant de Provancher, ses procédés non conciliants et son impatience ont une fois de plus provoqué de sérieux différends avec ses paroissiens. À partir de 1866, fatigué du ministère paroissial, il essaie vainement de changer d’occupation. Il présente sa démission le 17 septembre 1869, suivant en cela les conseils de l’archevêque de Québec, et s’établit à Saint-Roch afin de se rapprocher des grandes bibliothèques et des naturalistes.

Vite ennuyé par la vie citadine, Provancher choisit de s’installer à Cap-Rouge en 1872. De mai 1875 à décembre 1876, il rédige la Gazette des familles acadiennes et canadiennes, fondée par l’abbé Nazaire Leclerc* en 1869. En 1888, il fonde la Semaine religieuse de Québec, destinée avant tout au clergé. Il fait de nombreux voyages au Canada, aux États-Unis, en Europe et en Terre sainte ; il organise même des pèlerinages à ce dernier endroit. Mais à Cap-Rouge c’est aux sciences naturelles qu’il va consacrer la presque totalité de son temps. Il troque définitivement la boîte à herboriser pour le filet de l’entomologiste. Sa maison devient très vite l’acropole du haut savoir en ce domaine et on vient chercher auprès de lui réponses et encouragements.

À partir de 1874, Provancher publie Petite faune entomologique du Canada [...], travail gigantesque qui démontre son courage, son enthousiasme et sa hardiesse incomparables. Il fait d’abord paraître le texte dans le Naturaliste canadien pour ensuite le corriger et l’augmenter. L’ouvrage comprend trois tomes et contient la description de toutes les espèces canadiennes d’insectes alors connues ainsi que des clés analytiques, très faciles à utiliser. Petite faune restera longtemps un ouvrage d’une valeur inestimable, sans égal au pays et qui se compare facilement à ceux des auteurs américains.

C’est surtout par ses études sur les hyménoptères que Provancher innove, excelle et fait avancer la science. En effet, il découvre et décrit plus de 1 000 espèces d’insectes de cet ordre, jusque-là inconnues, qu’il nomme bien souvent d’après les localités où elles ont été découvertes ou pour honorer ses amis. Sa contribution à l’étude de ce groupe d’insectes va lui assurer l’immortalité scientifique, puisque encore aujourd’hui le dixième des espèces d’hyménoptères connues au Canada ont été découvertes et décrites par lui.

Quelques-uns des contemporains de Provancher et plusieurs de ceux qui ont traité de son œuvre ont parfois mis en doute sa pensée scientifique. Les uns voient en lui un rival, d’autres une personne isolée, dépourvue de ressources et incapable de discuter des idées nouvelles qui surgissaient à cette époque. Sa volumineuse correspondance et la richesse de sa bibliothèque scientifique démontrent au contraire que Provancher suivait la pensée scientifique de son temps et, comme tous ses collègues, savait évoluer. Il devait bien connaître la nature du genre et de l’espèce des insectes qu’il a décrits, puisque l’ensemble des publications scientifiques récentes a retenu la validité de ses taxons dans une proportion aussi grande qu’elle ne l’a fait pour ses contemporains américains. La description qu’il faisait de ces nouvelles espèces est d’une qualité souvent supérieure à celle que l’on retrouve dans les ouvrages américains. Précises, suffisamment détaillées et longues, ses descriptions tiennent déjà compte de normes de nomenclature qui seront définies beaucoup plus tard.

Toutefois, Provancher n’a pu accepter les théories de Darwin sur l’origine des espèces et l’évolution des êtres vivants. À quelques reprises dans sa revue et dans ses conférences, il ne manque pas de démontrer l’absurdité des évolutionnistes et de louanger les merveilles de la création de Dieu. À cette époque, il n’est d’ailleurs pas le seul à réfuter ces théories nouvelles, puisque plusieurs de ses concitoyens, tel John William Dawson, ainsi que de grands naturalistes allemands et français s’y opposent. On doit toutefois reconnaître à Provancher le mérite d’avoir lu sur le sujet et d’en avoir discuté publiquement par la suite, ce que très peu de ses contemporains canadiens ont fait.

Pendant son ministère, Provancher a l’occasion de constater les lacunes et les faiblesses culturelles de ses concitoyens. Ces observations s’ajoutent à celles qu’il avait faites au séminaire de Nicolet où la bibliothèque et l’enseignement étaient complètement dépourvus de contenu scientifique. Plus tard, ses contacts fructueux avec les grands naturalistes américains et européens lui permettent de mieux saisir les progrès dans le domaine des sciences et les moyens que l’on prend pour vulgariser les connaissances. Il constate l’insouciance des gouvernants à ce sujet et, voyant les retards de plus en plus grands de ses concitoyens, il se donne comme mission de sensibiliser le public à la nécessité d’étudier les sciences. À de nombreuses occasions, il réclame la mise sur pied d’un programme d’éducation des adultes, et surtout la diffusion de l’enseignement des sciences en général et des sciences de la nature en particulier dans les écoles et collèges classiques, pratique déjà courante dans les collèges et universités du Haut-Canada. Il déplore le peu de possibilités qu’offrent aux jeunes les établissements d’enseignement, si ce n’est la théologie, la médecine et le droit. Selon lui, si le jeune prêtre, le jeune médecin et le jeune avocat recevaient une meilleure formation en sciences naturelles, ils seraient plus en mesure de comprendre et d’aider les paysans, puisque la très grande majorité exerceront leur profession dans les milieux ruraux.

Prenant part au débat qui avait cours sur les problèmes que vivait l’agriculture, Provancher indique souvent aux législateurs les moyens d’y remédier. Selon lui, on devait mettre sur pied un bon journal d’agriculture pratique, du type de ceux qui existaient à Toronto ou en Nouvelle-Angleterre, ainsi qu’un musée agricole. Il prône aussi la création d’un jardin botanique à Québec et d’un musée d’histoire naturelle à l’université Laval.

L’œuvre de Provancher occupe une place importante dans le patrimoine québécois. Le nombre de pages qu’il a publiées au cours de sa carrière scientifique est considérable si l’on tient compte des faibles ressources qu’il avait, de l’aide financière gouvernementale minime qu’il recevait et de l’apathie du public francophone vis-à-vis des sciences. Il a marqué la littérature scientifique non seulement canadienne mais aussi nord-américaine. Les analyses récentes de ses travaux en botanique, en entomologie et en malacologie montrent qu’ils se comparent par leur qualité scientifique à ceux des grands auteurs américains ; à certains égards, ils les dépassent même par la précision des exposés. Le Naturaliste canadien, la revue scientifique de langue française la plus ancienne au Canada, n’a cessé de paraître même s’il a fallu mener des luttes vigoureuses pour assurer sa survie. Maintenant distribuée dans 41 pays, cette revue offre aux chercheurs du monde entier la possibilité de publier leurs travaux originaux.

Les collections de Léon Provancher, tout comme sa correspondance, sa bibliothèque, sa revue et ses ouvrages, ont une valeur historique et scientifique inestimable. Elles représentent par leur variété une remarquable illustration de la façon dont les savants classifiaient les organismes vivants au xixe siècle. Elles sont également, pour plusieurs chercheurs, l’un des principaux points de références par le nombre de spécimens types qu’elles contiennent. À ce que l’on sache, aucune autre collection de spécimens d’histoire naturelle réunis par un naturaliste nord-américain du siècle dernier n’a été conservée dans son ensemble, et avec cette variété. L’œuvre de ce simple curé de campagne, dépourvu de moyens, coupé des ressources de l’État et victime de l’apathie des siens, relève du prodige.

Jean-Marie Perron

La correspondance de Léon Provancher, conservée aux archives du séminaire de Chicoutimi (Chicoutimi, Québec) avec ses manuscrits, se compose de plus de 4 500 lettres. Sa bibliothèque a été reconstituée. Elle comprend environ 500 volumes et se retrouve à l’université Laval. La plupart des collections de Provancher sont maintenant conservées au département de biologie de l’université Laval : un herbier de 800 plantes, quelques dizaines de milliers de mollusques et environ 30 000 insectes. Par ailleurs, on trouvera dans J. B. Léveillé, « Bio-bibliographie de M. l’abbé Léon Provancher, docteur ès-sciences » (thèse de bibliothéconomie, univ. de Montréal, 1949), une liste de ses ouvrages.

ANQ-MBF, CE1-4, 10 mars 1820.— ANQ-Q, CE1-23, 26 mars 1892.— V.-A. Huard, la Vie et l’Œuvre de l’abbé Provancher (Québec, 1926).— René Béique, « l’Œuvre et l’Héritage de l’abbé Léon Provancher », le Naturaliste canadien (Québec), 95 (1968) : 609–626.— Raymond Duchesne, « la Bibliothèque scientifique de l’abbé Léon Provancher », RHAF, 34 (1980–1981) : 535–556 ; « Science et Société coloniale : les naturalistes du Canada français et leurs correspondants scientifiques (1860–1900) », HSTC Bull. (Thornhill, Ontario), 5 (1981) : 99–139.— Jacques Rousseau et Bernard Boivin, « la Contribution à la science de la Flore canadienne de Provancher », le Naturaliste canadien, 95 : 1499–1530.

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Jean-Marie Perron, « PROVANCHER, LÉON », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 2 oct. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/provancher_leon_12F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1990
Année de la révision:    1990
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