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Le ministère des Colonies de l'Amérique du Nord britannique, 1801—1850
 

Au xviiie siècle, les limites territoriales de l’Empire britannique, en Amérique du Nord comme ailleurs, et les institutions du gouvernement impérial, à Londres, se modifièrent presque constamment. La guerre de Sept Ans et la Révolution américaine déterminèrent de nouveau avec précision les frontières de l’Empire et, en 1801, la responsabilité des colonies fut confiée au secrétaire d’État à la Guerre et aux Colonies. À la fin des guerres napoléoniennes, le ministère s’occupait essentiellement des affaires coloniales et devint généralement connu sous le nom de ministère des Colonies. Pendant la guerre de Crimée, on nomma un autre secrétaire d’État à qui l’on confia les responsabilités autrefois dévolues au Département de la guerre et, de 1854 à 1925, année de la création d’un ministère des Affaires des dominions, le ministère des Colonies eut principalement pour tâche d’administrer les territoires que la couronne possédait outre-mer (l’Inde exceptée).

Pendant un siècle et quart, le ministère des Colonies joua un rôle décisif dans l’orientation de la destinée des colonies nord-américaines. Surtout avant l’instauration du gouvernement responsable dans les années 1840 et au cours de la décennie qui suivit, les gouvernants et les gouvernés de l’Amérique du Nord britannique ne manquèrent jamais de prendre très sérieusement en considération les vues du ministère dans leurs calculs. Les dossiers du ministère débordent littéralement de conseils, d’avertissements, de plaintes et de demandes spéciales adressées par des ecclésiastiques et des hommes politiques, par des hommes d’affaires et des propriétaires terriens, par des immigrants ou des personnes de passage qui avaient dans les colonies des intérêts à défendre ou à poursuivre. Souvent, les gens des colonies n’avaient qu’une vague idée de l’organisation et du fonctionnement du ministère des Colonies, mais ils savaient que cet organisme influait de façons innombrables sur leur vie quotidienne.

Pendant la plus grande partie du xixe siècle, le ministère des Colonies fut logé dans deux immeubles délabrés que le comité spécial sur les édifices publics condamna en 1839 parce qu’ils étaient dangereux et qu’ils ne valaient pas la peine d’être restaurés. Dans ces locaux inadéquats du 13 et du 14 de la rue Downing, à Londres, s’entassait une poignée de fonctionnaires qui, appliqués à gérer les affaires de l’Empire, étaient pourtant assez mal appréciés par leurs contemporains. Au cours de la première moitié du siècle, en effet, le ministère des Colonies fut l’objet de constantes attaques de la part de nombreux groupes de pression, tant à Londres que dans les colonies. Ceux que l’on appelait les réformistes des colonies, et tout particulièrement Edward Gibbon Wakefield* et Charles Buller*, furent en Grande-Bretagne ses principaux critiques ; ce sont eux qui inventèrent le personnage de « M. Mère Patrie », ce bureaucrate ignorant et anonyme qui, présumait-on, exerçait une influence néfaste sur la politique coloniale et était responsable de la mauvaise administration des colonies. Le mythe qui entourait la politique impériale traversa l’Atlantique, et tous les mécontents s’empressèrent de le faire leur. Pour des raisons très différentes, et les réformistes et les conservateurs de l’Amérique du Nord britannique, tant William Lyon Mackenzie* que John Beverley Robinson*, attribuèrent les rébellions canadiennes de 1837–1838 à la faiblesse et à l’ignorance du ministère des Colonies. Même les fonctionnaires qui se rendaient à Londres et qui étaient reçus au ministère revenaient souvent désillusionnés de leur passage dans ce que Jonathan Sewell*, juge en chef du Bas-Canada, décrivait avec cynisme comme « la chambre d’endurance de Downing Street ».

L’historiographie canadienne a tellement représenté le ministère des Colonies comme une froide et ignorante bureaucratie responsable de tous les désastres de la politique impériale qu’il est peu probable qu’on puisse jamais effacer complètement cette image, pourtant fausse. Organisé jusqu’alors en fonction de la personnalité du secrétaire d’État, le ministère des Colonies devint en fait, pendant la première moitié du xixe siècle, le prototype de la bureaucratie moderne. En 1801, il ne possédait ni la compétence administrative ni l’appareil bureaucratique nécessaires pour jouer un rôle important dans la conception des grandes orientations. N’étant pas entouré de subalternes efficaces et renseignés, le secrétaire d’État ne pouvait se fier qu’aux rapports qu’il recevait des fonctionnaires coloniaux ou des groupes d’intérêts londoniens. Recueillis de manière aussi aléatoire, les renseignements relatifs aux colonies étaient inévitablement incomplets. Après 1801, toutefois, l’information reçue par le ministère des Colonies s’améliora et s’accrut chaque année. Dans les années 1820, les colonies commencèrent à préparer, d’après les directives générales de Londres, le livre bleu, qui constituait une source de renseignements précieux ; puis, dans les années 1830, les autorités coloniales furent tenues d’expédier à Londres des rapports portant sur une variété toujours plus grande de sujets. Les fonctionnaires du ministère des Colonies, devenus plus nombreux, analysaient assidûment une sélection de journaux ainsi qu’une vaste collection de livres et d’écrits sur l’Amérique du Nord britannique. De fait, dès les débuts des années 1830, le ministère avait mis au point ce qui, d’après les normes de l’époque, constituait un système relativement efficace de collecte, de stockage et de recherche de données. Egerton Ryerson* exagérait en 1836 lorsqu’il déclara : « pour ce qui est du Haut-Canada, le ministère des Colonies en sait presque autant que nous sur nos affaires et nos hommes publics ». Mais Ryerson était certainement beaucoup plus près de la vérité qu’il ne l’aurait été dix ans plus tôt.

Au fur et à mesure que l’organisation interne du ministère des Colonies s’améliorait, les secrétaires d’État britanniques purent suivre de plus près les activités de leurs subalternes en Amérique du Nord. Avant le milieu des années 1820, le ministère n’exerçait qu’une surveillance superficielle sur les fonctionnaires britanniques des colonies. En fait, bien des fonctionnaires subalternes étaient nommés et congédiés par d’autres ministères britanniques, et le ministère des Colonies ne savait guère dans quelle mesure ces gens s’acquittaient bien de leurs fonctions. Avant les années 1820, il ignorait même à quel point la rémunération de nombre de ces fonctionnaires, faite souvent d’honoraires plutôt que de salaires, était scandaleusement élevée. Même les gouverneurs, que le ministère nommait et dont il contrôlait les salaires, recevaient peu d’instructions précises, de sorte que leur liberté d’action était presque illimitée. Bien sûr, les gouverneurs n’obtenaient pas toujours ce qu’ils voulaient. Quand il s’agissait de favoritisme, ils étaient fréquemment déçus, car il arrivait que les postes des colonies soient distribués en fonction des exigences de la politique britannique plutôt que coloniale. Thomas Carleton*, par exemple, fut très offensé lorsque Edward Winslow* fut nommé à la Cour suprême du Nouveau-Brunswick en 1807 à la place de son propre candidat, Ward Chipman*. De même, quand un gouverneur demandait à ses supérieurs d’apporter des modifications à la constitution d’une colonie, comme le fit sir James Henry Craig* en 1810, pour le Bas-Canada, il était ordinairement déçu de voir que le gouvernement de Londres refusait d’agir, même si, comme dans ce cas particulier, Londres désirait aussi restructurer la constitution. La plupart des secrétaires d’État avaient la même attitude que lord Bathurst, qui aurait dit à un gouverneur à la veille de partir pour occuper son poste : « Je vous souhaite beaucoup de plaisir et que j’entende parler de vous le moins possible. » On incitait rarement les gouverneurs à intervenir vraiment. Plus probablement, ils auraient été réprimandés s’ils avaient fait des excès de zèle ou si, par des emportements ou des extravagances de langage, ils avaient menacé de troubler la tranquillité de la scène politique coloniale. Par ailleurs, ils ne risquaient guère d’être rappelés, sauf en cas de sottise ou de mauvaise conduite des plus flagrantes, et encore ! Quant aux destitutions, elles étaient encore plus rares. Même au début des années 1820, un parfait incompétent comme Charles Douglass Smith put demeurer en poste jusqu’à ce qu’il en arrive presque à précipiter l’Île-du-Prince-Édouard dans un soulèvement mineur. Plusieurs gouverneurs, notamment Thomas Carleton et Robert Prescott*, continuèrent d’exercer leurs fonctions pendant des années après avoir quitté une colonie où ils n’avaient nulle intention de retourner.

Surtout pendant et immédiatement après la guerre de 1812, le ministère accorda un peu plus d’attention aux deux plus vastes colonies nord-américaines, à cause de leur frontière commune avec les États-Unis. En fait, en 1815, sir George Prevost* subit l’humiliation de la destitution en raison des échecs militaires qu’il avait essuyés pendant la guerre. Par la suite, le gouvernement britannique retomba dans son activité habituelle. Jusqu’en 1828, le ministère des Colonies n’eut aucune idée du degré de mécontentement populaire soulevé par lord Dalhousie [Ramsay*] dans le Bas-Canada ou par sir Peregrine Maitland dans le Haut-Canada. Après 1828, toutefois, le gouvernement entreprit de se concilier les Assemblées de l’Amérique du Nord britannique et dut, à cette fin, donner des instructions plus détaillées aux gouverneurs et exercer sur eux une surveillance plus étroite. Sir John Colborne* fut rappelé du Haut-Canada en 1835, sir Archibald Campbell* du Nouveau-Brunswick en 1837 et sir Colin Campbell* de la Nouvelle-Écosse en 1839 pour avoir tous résisté, au moins passivement, à ce programme de conciliation. Sir Francis Bond Head*, le plus coloré et le moins docile des gouverneurs des années 1830, n’échappa pour sa part à la destitution qu’en démissionnant lui-même de son poste de lieutenant-gouverneur du Haut-Canada en 1837. Même sir John Harvey, qui avait mérité de grands éloges pour s’être concilié le Nouveau-Brunswick, fut rétrogradé au poste de gouverneur de Terre-Neuve en 1841 – occupation moins prestigieuse et moins rémunératrice – pour avoir désobéi aux instructions.

Pendant et juste après les guerres napoléoniennes, tous les gouverneurs des colonies britanniques nord-américaines, comme sir John Coape Sherbrooke*, furent des militaires, généralement nommés dans les colonies en récompense de leurs hauts faits sur les champs de bataille. Les gouverneurs en poste entre 1839 et 1850 commencèrent toutefois à être choisis davantage pour leurs talents politiques et diplomatiques, comme le fut sir William MacBean George Colebrooke*, quoiqu’un bon nombre d’entre eux aient eu aussi une formation militaire. Tandis qu’ils parcouraient l’Empire dans tous les sens et gravissaient les échelons en occupant divers postes de gouverneur, ils en vinrent à constituer le noyau d’un service colonial quasi spécialisé. À la périphérie de l’Empire, ils auraient pu jouir d’une grande liberté d’action et désobéir impunément plus d’une fois aux instructions de Londres, mais pas en Amérique du Nord, où le ministère des Colonies pouvait réglementer de plus en plus efficacement leurs activités. En raison de la crise politique qui sévissait dans le Haut et le Bas-Canada durant les années 1830, le gouvernement britannique conféra une autorité considérable à lord Gosford [Acheson*], qui devint gouverneur en chef de l’Amérique du Nord britannique en 1835, et accorda des pouvoirs encore plus étendus à ses successeurs, lord Durham [Lambton*] et Charles Edward Poulett Thomson*, plus tard lord Sydenham. En outre, à cause de l’étendue et de la complexité politique de la province du Canada (née de l’union du Haut et du Bas-Canada en 1841), le poste de gouverneur fut confié à une série de proconsuls impériaux – Sydenham, sir Charles Bagot*, sir Charles Theophilus Metcalfe* et lord Elgin [Bruce*] – qui bénéficièrent d’un pouvoir discrétionnaire inhabituel et jouèrent un rôle concret dans l’élaboration de la politique impériale. Mais ils furent des exceptions. En règle générale, les gouverneurs des colonies de l’Amérique du Nord britannique étaient devenus, en pratique comme en théorie, de simples représentants du ministère des Colonies.

Pendant la première moitié du xixe siècle, l’influence qu’exerçaient les visiteurs venant des colonies sur la politique impériale se mit également à diminuer. Dans les années 1820 encore, les représentants de l’élite coloniale qui se rendaient à Londres, comme John Beverley Robinson et Jonathan Sewell, étaient admis par cooptation au sein du ministère des Colonies pour aider le personnel dans la préparation des programmes. Mais dès les années 1830, les fonctionnaires permanents du ministère n’avaient plus besoin de cette aide et, ne pouvant plus aussi facilement rencontrer le secrétaire d’État, les visiteurs des colonies perdirent une bonne partie de leur influence. En même temps, les groupes d’intérêts en Grande-Bretagne durent céder beaucoup de terrain. Au xviiie siècle, les marchands britanniques et les représentants coloniaux, tels Joshua Mauger*, Brook Watson* et Francis Maseres*, avaient eu beaucoup de poids. À l’époque, l’esprit de dissension et d’indiscipline qui régnait dans le système politique britannique, tout comme l’inaptitude de l’appareil administratif à gouverner l’Empire, donnait aux groupes de pression un avantage considérable. Les attributions de chacun des ministères, à Londres, n’étaient pas clairement délimitées, le pouvoir n’était guère centralisé et les fonctionnaires permanents n’étaient pas assez nombreux pour assurer la continuité. Et même si certaines de ces conditions étaient encore présentes au début du xixe siècle, l’apparition du cabinet moderne et d’un système rudimentaire de partis permit aux ministres de résister plus facilement aux groupes d’intérêts. En outre, les communications avec les colonies s’amélioraient rapidement et le ministère des Colonies avait commencé à coordonner le travail des différents ministères ayant des responsabilités outre-mer.

Il restait quand même un vaste réseau de groupes de pression, directement ou indirectement concernés par certaines affaires coloniales. Les lobbies religieux étaient tout particulièrement actifs, tant au Parlement qu’à l’extérieur. Le plus puissant d’entre eux était bien sûr l’Église d’Angleterre et, à force de manœuvres assidues, quelqu’un comme l’évêque John Inglis* ou l’archidiacre John Strachan* pouvait exercer des pressions considérables sur le ministère des Colonies. L’Église d’Écosse et les méthodistes disposaient eux aussi d’organisations actives des deux côtés de l’Atlantique [V. William Morris ; George Ryerson*]. Les autres sectes non conformistes avaient moins d’influence dans les milieux gouvernementaux, mais elles pouvaient compter sur l’appui des radicaux au Parlement et sur le soutien moral de certaines congrégations non conformistes. Bien des catholiques irlandais et canadiens se tournaient vers Daniel O’Connell et ses partisans irlandais pour obtenir de l’aide en matière religieuse. La hiérarchie catholique du Bas-Canada faisait principalement valoir ses idées par l’intermédiaire des vicaires apostoliques à Londres, tandis que les catholiques écossais, dont Alexander McDonell*, évêque de Kingston, usaient de leur influence politique auprès de députés écossais comme Charles Grant, plus tard lord Glenelg. Surtout après l’accession des whigs au pouvoir en 1830, le lobby catholique eut un poids considérable. Néanmoins, les lobbies religieux ne s’intéressaient qu’à certaines questions concernant les affaires coloniales et se contentaient généralement d’améliorer ou de protéger la position de leur propre Église.

Bien que d’autres groupes de pression aient eu peu d’importance comparativement aux grands lobbies religieux de l’époque, tout un réseau de personnes ayant des droits acquis s’étendait des deux côtés de l’Atlantique. Ceux qui faisaient le commerce du bois occupaient la place la plus importante. Dans les colonies, ce commerce permit à des marchands en vue comme Alexander Rankin et Peter Patterson de bâtir leur fortune personnelle et d’acquérir de l’influence politique. En Grande-Bretagne, il donna lieu à la création d’un lobby aux proportions gigantesques qui devait maintenir une présence active au Parlement parce que le tarif préférentiel adopté au cours des guerres napoléoniennes, qui favorisait le bois provenant de l’Amérique du Nord britannique aux dépens de celui de la Baltique, allait faire l’objet de critiques de plus en plus vives de la part des libre-échangistes à compter de 1815. Cependant, même dans les plus belles années de ce commerce, les marchands importateurs de bois ne formèrent qu’un petit groupe en Grande-Bretagne, et leur influence se restreignit à peu près exclusivement aux villes où ils étaient concentrés en assez grand nombre, notamment Glasgow, Liverpool et Londres. Ces marchands devaient leur poids considérable à leur alliance avec la Society of Shipowners, qui fut peut-être l’association commerciale la mieux organisée du début du xixe siècle en Grande-Bretagne. Dans les années 1840, toutefois, bien des propriétaires de navires comprirent qu’ils tireraient profit d’une réduction générale des tarifs et abandonnèrent leurs anciens amis.

Sans l’appui des propriétaires de navires, les marchands de bois devinrent trop faibles pour assurer le maintien du tarif préférentiel sur le bois des colonies. D’autres groupes en Grande-Bretagne qui avaient des intérêts financiers ou commerciaux en Amérique du Nord britannique, telles la Hudson’s Bay Company et les entreprises de pêche nord-américaines, n’étaient pas dépourvus d’influence politique. Dans une certaine mesure, leurs préoccupations rejoignaient celles du lobby du bois, puisqu’ils bénéficiaient eux aussi du système protectionniste. Néanmoins, dès les années 1840, ils menaient un combat d’arrière-garde pour défendre leurs privilèges et ne pouvaient plus apporter qu’un soutien limité aux marchands de bois. Bien sûr, beaucoup de marchands, comme Peter Buchanan, vendaient dans les colonies des marchandises britanniques en gros ou au détail mais, dans la plupart des cas, leurs entreprises étaient petites, et ils ne pouvaient guère faire pression sur le ministère des Colonies. Les marchands-banquiers qui avaient investi des capitaux dans les colonies – des entreprises comme la Baring Brothers – et auxquels certaines autorités coloniales, tel John Henry Dunn, receveur général du Haut-Canada, faisaient appel lorsqu’elles allaient emprunter de l’argent à Londres, étaient bien moins nombreux que les marchands de bois, mais ils jouèrent un rôle beaucoup plus important. Cependant, par rapport à l’ensemble de leurs placements outre-mer, ce que les institutions financières britanniques investirent dans les colonies de l’Amérique du Nord britannique demeura négligeable jusqu’à la construction des chemins de fer. Si on exclut les quelques spéculateurs fonciers qui achetèrent des propriétés ou acquirent des actions dans l’une des compagnies foncières fondées entre 1820 et 1840, il y eut peu d’investisseurs dont la fortune dépendait de la santé commerciale des colonies nord-américaines et, à quelques exceptions près, ils eurent rarement accès aux conseils des grands en Grande-Bretagne.

Edward Ellice* fut l’une de ces exceptions. Héritier d’une fortune considérable, il avait placé beaucoup d’argent aux Antilles, aux États-Unis et en Amérique du Nord britannique. Il vint en Amérique du Nord à quelques reprises, joua un rôle décisif dans les négociations qui menèrent à la fusion de la North West Company et de la Hudson’s Bay Company et se lança, avec d’autres, dans plusieurs entreprises de spéculation, notamment la Canada Company de John Galt*, la North American Colonial Association of Ireland et la Welland Canal Company de William Hamilton Merritt*. Par son mariage avec la plus jeune des filles du 1er comte Grey en 1809, il s’allia à l’une des plus puissantes dynasties politiques de Grande-Bretagne. Entré en politique, il fut durant les années 1820 l’un des principaux porte-parole des whigs sur les questions économiques. Il devint en 1830 secrétaire d’État à la Trésorerie et whip en chef, puis entra au cabinet en 1833 comme secrétaire à la Guerre. Parce qu’il était à la fois fortuné et influent, les historiens ont surestimé le rôle qu’il aurait pu jouer ou qu’il joua dans l’orientation de la politique coloniale. Malgré toutes ses relations, Ellice continua en quelque sorte à faire cavalier seul. Même s’il avait investi de fortes sommes dans les Caraïbes, il ne défendit guère les intérêts antillais au Parlement et, à la fin des années 1830, son étoile pâlit rapidement. Il donnait franchement son avis sur le déroulement des événements en Amérique du Nord britannique, mais on le soupçonnait à juste titre de les interpréter en fonction de ses propres intérêts. Il eut sans contredit une influence sur la politique des gouvernements qui se succédèrent, mais ses avis furent rarement décisifs.

En fait, jamais les marchands qui avaient investi en Amérique du Nord n’eurent autant d’influence que ceux, beaucoup plus puissants, qui possédaient des intérêts aux Antilles. Les organisations qui les représentaient, comme le Canada Club (fondé par Isaac Todd* entre autres) et la North American Colonial Association, avaient cette faiblesse évidente qu’elles ne pouvaient prétendre parler au nom des Assemblées coloniales. Le seul représentant colonial associé aux marchands fut Henry Bliss* qui, à partir de 1824, agit pour le compte de l’Assemblée du Nouveau-Brunswick. De leur côté, les partis réformistes du Haut et du Bas-Canada eurent leurs propres représentants à la chambre des Communes pendant les années 1830 : John Arthur Roebuck* représenta le Bas-Canada et Joseph Hume joua officieusement le rôle de porte-parole des réformistes radicaux du Haut-Canada. Dès le milieu des années 1830, il existait des divergences importantes entre les intérêts des marchands britanniques, qui avaient des investissements à protéger dans le Haut et le Bas-Canada, et les préoccupations des réformistes canadiens. Les marchands étaient représentés aux Communes par des hommes comme George Richard Robinson et Patrick Maxwell Stewart, mais Hume et Roebuck étaient trop forts pour eux, et les débats sur la politique canadienne, pendant cette période, font voir une polarisation de plus en plus marquée. Si tous les groupes qui prétendaient parler au nom des colonies nord-américaines à Londres avaient réussi à s’entendre, ils auraient pu avoir une plus grande influence. Mais en raison de leurs désaccords, le ministère des Colonies pouvait dans une large mesure jouer le rôle qu’il prétendait être le sien, celui d’arbitre.

Dans les années 1830 et au cours de la décennie qui suivit, le ministère des Colonies avait déjà acquis la compétence administrative nécessaire pour prendre une part beaucoup plus active au gouvernement des colonies. Dans les faits, il ne le fit guère. Le gouvernement de Londres se laissait le plus souvent surprendre par les événements et se contentait de réagir aux pressions de l’extérieur. Le ministère des Colonies était essentiellement un organisme de réglementation, qui s’occupait d’abord et avant tout de la sécurité de l’Empire, et non de la croissance ou du développement des colonies. Ses principales fonctions consistaient à protéger les intérêts impériaux, en surveillant les activités des gouverneurs et en examinant à fond la législation coloniale, et à coordonner les travaux de tous les organismes métropolitains ayant un rôle à jouer dans le gouvernement colonial.

Il n’y avait eu au xviiie siècle aucun équivalent réel de ce que fut le ministère des Colonies au xixe siècle. Les secrétaires d’État et les ministères britanniques exerçaient tout simplement, dans les colonies, des fonctions semblables à celles dont ils étaient chargés en Grande-Bretagne. Le Board of Trade et, après 1768, l’éphémère ministère des Affaires américaines assurèrent une certaine coordination mais, en 1782, ils furent abolis et leurs fonctions de surveillance transférées aux deux secrétaires d’État. Plus tard la même année, un des secrétaires d’État fut chargé des affaires étrangères et l’autre des affaires intérieures ; les colonies furent placées sous l’autorité du ministère de l’Intérieur, qui avait peu d’expérience des affaires coloniales et était incapable d’orienter ou d’appliquer avec cohérence la politique coloniale. En 1801, en grande partie parce que la chose était politiquement plus commode, on confia la responsabilité des colonies au secrétaire d’État à la Guerre, poste créé en 1794. Durant les guerres napoléoniennes, le secrétaire d’État à la Guerre et aux Colonies porta toute son attention sur les affaires militaires mais, après 1815, il fut dégagé d’un bon nombre de fonctions administratives et s’intéressa surtout, presque par accident, aux colonies.

En un sens, le ministère des Colonies, tel qu’il évolua au début du xixe siècle, était un nouveau ministère assurant un service qui jusque-là avait été inadéquat et n’avait fonctionné que de manière irrégulière. Il était certainement nouveau par l’envergure de ses attributions. Le Second Empire britannique était à la fois plus vaste et plus diversifié que le premier. En théorie, les secrétaires d’État devaient « être au courant des affaires de leur ministère dans les moindres détails, et la seule façon d’y parvenir [était] de s’occuper eux-mêmes de ces détails ». En pratique, aucun secrétaire d’État ne pouvait être bien informé de tout ce qui se passait dans ce vaste Empire disparate. En 1846, le 3e comte Grey, qui fut probablement le secrétaire d’État aux Colonies le plus consciencieux du xixe siècle, avoua à l’un de ses subalternes qu’il ne savait pas si les îles Auckland faisaient partie de l’Empire britannique : « Je vois qu’elles sont colorées en rouge sur la carte du monde d’Arrowsmith, ce qui, je suppose, signifie que nous y avons une prétention quelconque. » Néanmoins, s’il en savait peu sur les régions lointaines et moins importantes de l’Empire, le secrétaire d’État connaissait généralement assez bien les colonies de l’Amérique du Nord britannique et avait une idée des principes de gouvernement qu’il souhaitait y voir appliquer. Lorsqu’il s’agissait des affaires nord-américaines, il continuait à suivre d’assez près les activités de ses subalternes et à faire une bonne partie du travail lui-même.

Le talent personnel des différents secrétaires d’État et l’importance que chacun accordait aux colonies varièrent nécessairement beaucoup. Les six hommes qui furent titulaires du poste entre 1801 et 1812, c’est-à-dire Henry Dundas, lord Hobart, lord Camden, lord Castlereagh, William Windham et lord Liverpool, concentrèrent leur attention sur les affaires militaires et manifestèrent peu d’intérêt pour les colonies. Après 1815, cependant, leurs successeurs n’eurent qu’une responsabilité très limitée à l’égard des affaires militaires et furent contraints de se pencher, d’abord et avant tout, sur les affaires coloniales. À l’occasion, certains firent encore piètre figure à la direction du ministère mais, comme le poste de secrétaire d’État conférait à son titulaire un prestige considérable en même temps qu’une place au cabinet, il fut habituellement occupé par un homme politique éminent et chevronné. Ensemble, les 12 hommes qui furent secrétaires d’État entre 1812 et 1850 avaient d’impressionnantes lettres de créance. Parmi eux, lord Goderich, lord Stanley, lord Aberdeen, lord John Russell et William Ewart Gladstone avaient été premiers ministres ou allaient le devenir. À l’exception de sir George Murray*, qui fut parachuté à ce poste par le duc de Wellington en 1828, les 12 secrétaires d’État étaient des hommes politiques de premier plan et possédaient une expérience administrative considérable.

Le ministère des Colonies fut réorganisé dans les années 1820 sous la direction de lord Bathurst, qui exerça les fonctions de secrétaire d’État de 1812 à 1827. L’histoire récente s’est montrée tendre envers lord Bathurst et a peint de lui le portrait d’un homme passablement intelligent et assez habile, profondément conservateur dans sa philosophie politique mais disposé à traiter de questions précises de manière pragmatique. Malheureusement, Bathurst était déjà dans la cinquantaine avancée en 1820 et il se laissa convaincre par son sous-secrétaire, Robert John Wilmot-Horton, d’adopter une attitude d’intransigeance envers l’Assemblée du Bas-Canada sur la question de la liste civile, au moment où Dalhousie était gouverneur en chef. Les deux secrétaires d’État qui lui succédèrent rapidement en 1827–1828, lord Goderich et William Huskisson, n’eurent pas le temps d’avoir une grande incidence sur le ministère des Colonies, quoique l’on doive à Huskisson la formation, en 1828, d’un comité spécial de la chambre des Communes chargé d’enquêter sur le gouvernement civil des Canadas [V. sir James Kempt]. Entre 1828 et 1830, sir George Murray s’avéra incapable de réagir avec cohérence au rapport de ce comité qui avait tenu compte des revendications de la chambre d’Assemblée du Bas-Canada, représentée par Denis-Benjamin Viger*, Austin Cuvillier* et John Neilson*, et qui, par sa façon de concevoir tant les affaires du Bas-Canada que celles du Haut-Canada, avait fortement indisposé certains conservateurs, comme John Strachan. Revenu au ministère des Colonies en 1830, lord Goderich y fut de plus en plus éclipsé par son sous-secrétaire parlementaire, lord Howick, qui était le fils aîné du premier ministre, le 2e comte Grey. Howick fut jusqu’à sa démission en 1833 le véritable architecte de la politique du gouvernement whig en Amérique du Nord, lequel voulait donner suite aux recommandations du comité spécial et se concilier les partis réformistes de l’Amérique du Nord britannique. Stanley, qui avait été sous-secrétaire en 1827–1828 et qui avait joué un rôle clé dans la rédaction du rapport du comité, revint au ministère des Colonies comme secrétaire d’État en 1833 et s’aliéna les réformistes du Haut et du Bas-Canada, Mackenzie comme Viger. Enfin, en 1834 et 1835, Thomas Spring-Rice et lord Aberdeen tentèrent sans succès de parvenir à un accord avec les Assemblées canadiennes.

Le gouvernement impérial n’ayant pas réussi à trouver de solution pacifique à la crise canadienne, ce fut donc ce pauvre lord Glenelg – secrétaire d’État de 1835 à 1839 et, de tous les secrétaires d’État de cette période, le plus calomnié – qui encourut le blâme. Son successeur, lord Normanby, était encore moins compétent que lui et fut vite muté au ministère de l’Intérieur. Lord John Russell et lord Stanley, qui furent respectivement secrétaires d’État de 1839 à 1841 et de 1841 à 1845, jouèrent un rôle prépondérant dans les décisions du ministère des Colonies au cours des années où la question du gouvernement responsable était primordiale. L’historiographie contemporaine tend à attribuer au 3e comte Grey (lord Howick) le mérite d’avoir reconnu le gouvernement responsable durant la période 1846–1852. En fait, comme Adam Shortt* l’a avancé il y a de nombreuses années, cette décision fut prise dans la province du Canada par Sydenham en 1841 et approuvée par Russell. En 1842, Stanley et sir Robert Peel durent admettre à contrecœur que sir Charles Bagot n’avait d’autre choix que de réorganiser son gouvernement pour s’assurer qu’il aurait la confiance de l’Assemblée législative canadienne. Après 1842, personne au ministère des Colonies ne doutait que le principe essentiel du gouvernement responsable avait été concédé, mais Stanley et son successeur, William Ewart Gladstone, n’en tentèrent pas moins de retarder l’extension de ce principe aux autres colonies nord-américaines et d’exercer sur la politique canadienne une influence qui ne tarderait pas à devenir inacceptable. Gladstone ne fut secrétaire d’État que pendant six mois, avant que les whigs reprennent le pouvoir en 1846 et que le 3e comte Grey retourne au ministère des Colonies. Presque tout de suite, Grey eut à composer avec l’instauration du gouvernement responsable en Nouvelle-Écosse [V. sir John Harvey]. Avant de quitter le ministère en 1852, il présida à la transition au terme de laquelle la plupart des colonies de l’Amérique du Nord britannique se trouvèrent dotées d’un gouvernement responsable. Ce faisant, il fut peu à peu forcé d’accepter qu’il devait abandonner toute velléité d’intervention dans les querelles partisanes des colonies. Désormais, aucun secrétaire d’État aux Colonies ne pourrait exercer autant d’influence qu’avant sur le déroulement des événements en Amérique du Nord.

Toutefois, le secrétaire d’État n’eut jamais une autorité absolue, même avant l’instauration du gouvernement responsable. Les ministères et les départements qui s’occupaient des affaires militaires – l’Amirauté, le ministère de la Guerre, le Board of Ordnance et le Horse Guards – avaient leurs propres délégués outre-mer et agissaient à leur guise. La Trésorerie, les Postes et les Douanes avaient aussi leurs propres fonctionnaires dans les colonies et ne cédèrent que graduellement au pouvoir exécutif provincial l’autorité sur eux. De plus, le ministère des Colonies était en constant conflit avec la Trésorerie, qui voulait ramener les dépenses impériales dans les colonies à un niveau qu’il jugeait inacceptable, et avec le comité de commerce du Conseil privé (communément appelé Board of Trade), qui cherchait à exercer sur la législation coloniale une influence plus grande que celle qu’il croyait possible. Entre 1830 et 1850, le ministère des Colonies put faire sentir son influence sur d’autres ministères qui avaient encore quelque mot à dire dans les affaires coloniales, mais il se montra toujours incapable d’imposer sa volonté. Très souvent, les conflits de compétence ne purent être réglés qu’au cabinet et, quelquefois, celui-ci fut impuissant à trouver une solution.

Avec le déclin de l’autorité royale au cours du xixe siècle, le pouvoir exécutif se déplaça vers le cabinet. Mais celui-ci était, comme lord John Russell le soulignait en 1854, « un instrument encombrant et incommode » qui se prêtait mal à l’élaboration d’une politique d’ensemble, à moins qu’un secrétaire d’État ne puisse, avec fermeté, lui donner des directives précises. En fait, le cabinet manifestait habituellement à l’égard des affaires coloniales le même degré d’intérêt que le Parlement, où les questions concernant l’Amérique du Nord britannique ne préoccupaient qu’une faible minorité. « Je perds presque espoir, se plaignait en 1826 Henry Bliss, représentant du Nouveau-Brunswick. L’Empire est si vaste et nous sommes si loin ; nos affaires n’intéressent personne. » Il est vrai que, pendant les années 1830 et la décennie qui suivit, la chambre des Communes consacra une grande partie de son temps aux affaires nord-américaines et, tout particulièrement, aux affaires canadiennes. Néanmoins, il serait faux d’en conclure que ces colonies avaient pris une importance nouvelle dans l’esprit des députés. Au moment des rébellions canadiennes de 1837–1838, la Grande-Bretagne elle-même était en crise : les partis étaient aux Communes d’une force à peu près égale, et les considérations partisanes donnaient aux affaires coloniales une importance momentanée. Après 1841, les conservateurs disposant encore d’une forte majorité, l’intérêt pour les affaires de l’Amérique du Nord britannique se dissipa, pour ne renaître qu’à la fin de cette période de stabilité, en 1846.

Aucun secrétaire d’État, donc, n’eut jamais toute latitude. Sur chacun, la durée de son maintien en fonction, les pressions et exigences de la politique intérieure et la complexité des problèmes agissaient comme autant de contraintes ; et le succès ou l’échec que connaissait le secrétaire d’État dans la réalisation de ses objectifs dépendait de la qualité des renseignements et des conseils qui lui venaient de ses subalternes du ministère des Colonies. Ceux qui eurent, et de loin, le plus d’influence furent les sous-secrétaires d’État. En 1801, il n’y en avait qu’un seul ; après 1806, il y en eut deux ; et en 1816, à cause des mesures d’économie adoptées après la guerre, il n’y en eut de nouveau plus qu’un. Les fonctions du sous-secrétaire variaient selon les besoins et caprices de son supérieur. Lord Bathurst laissait une bonne partie des affaires courantes du ministère à ses subalternes, leur imposant ainsi un fardeau à peu près insupportable. À la fin de sa première journée de travail comme sous-secrétaire en 1821, Wilmot-Horton – qui était pourtant un homme d’une très grande énergie, sinon toujours bien employée – confiait à sa femme qu’il était « découragé devant l’énorme montagne de documents et de courrier, qu’[il devait] surmonter et entretenir ». Pour mener à bien leur tâche, Henry Goulburn et Wilmot-Horton, respectivement sous-secrétaires de 1812 à 1821 et de 1821 à 1828, accordèrent beaucoup d’attention à l’amélioration des rouages du ministère. À la fin de 1823, le personnel du ministère des Colonies se composait d’un sous-secrétaire, d’un secrétaire particulier, d’un bibliothécaire, de dix commis et d’un conseiller juridique à temps partiel. Dès la fin d’août 1825, il comptait deux sous-secrétaires, trois secrétaires particuliers, deux bibliothécaires, quinze commis, deux greffiers, un rédacteur d’analyses et un conseiller juridique à temps plein qui travaillait également pour le Board of Trade. Par la suite et jusque dans les années 1870, seules quelques personnes vinrent s’ajouter à l’effectif. Avant l’expansion des années 1820, les colonies étaient réparties entre les différents commis mais, après 1822, on divisa les affaires de l’Empire en régions géographiques et chacune fut confiée à un commis principal, assisté de deux, trois ou quatre commis. Après 1824, il y eut quatre divisions géographiques, dont une concernant les affaires nord-américaines.

L’innovation la plus importante fut peut-être de nommer à nouveau un deuxième sous-secrétaire en 1825. Avec le temps, celui-ci devint permanent et eut la responsabilité du personnel du ministère des Colonies. Au début, il ne se fit aucune répartition claire et fonctionnelle des tâches entre les deux sous-secrétaires. Wilmot-Horton partagea tout simplement les dossiers avec son nouveau collègue sur une base géographique, gardant pour lui-même les colonies qui l’intéressaient le plus ou qui intéressaient le plus la chambre des Communes, y compris celles de l’Amérique du Nord britannique. Après qu’on l’eut forcé à démissionner en 1828, plusieurs sous-secrétaires parlementaires lui succédèrent. Certains d’entre eux jouèrent un rôle important dans l’élaboration de la politique du ministère des Colonies en Amérique du Nord britannique : Stanley, qui avait été nommé deuxième sous-secrétaire parlementaire en 1827 et qui succéda à Wilmot-Horton l’année suivante, fut particulièrement actif, tout comme lord Howick, qui occupa le poste de sous-secrétaire parlementaire de 1830 à 1833. Ce fut Stanley, par exemple, qui fut à l’origine de l’assouplissement de la politique adoptée en 1827–1828 par le gouvernement britannique à l’égard du Haut et du Bas-Canada, tandis que Howick, au début des années 1830, rédigea presque toutes les dépêches importantes qui traitaient de ces deux colonies. D’autres sous-secrétaires parlementaires furent des nullités qui laissèrent la direction du Département des affaires nord-américaines au deuxième sous-secrétaire, Robert William Hay. Nommé en 1825, Hay fut, en théorie, responsable de la surveillance des travaux du Département des affaires nord-américaines pour la plus grande partie de la période comprise entre 1828 et 1836.

Première personne nommée sous-secrétaire permanent, Hay ne fut cependant pas un innovateur. Il continua à diriger les affaires comme on l’avait fait auparavant, eut rarement de l’initiative et évita les sujets controversés. Dans une large mesure, il se forgeait une opinion d’après les rapports que lui expédiaient les nombreuses autorités coloniales avec lesquelles il entretenait, à titre personnel, une volumineuse correspondance. Il n’y avait là rien d’inhabituel ni de menaçant. Goulburn et Wilmot-Horton avaient fait de même, et bien des commis du ministère correspondaient régulièrement avec des amis ou des connaissances en poste dans les colonies. Même James Stephen, qui à titre de sous-secrétaire devait mettre fin à cette pratique, admit qu’il avait « une sorte de propension à rencontrer les nombreux fonctionnaires coloniaux qui pass[aient] et repass[aient] constamment à Downing Street ». Mais si ces sources officieuses fournissaient souvent des renseignements utiles sur les colonies, elles ne pouvaient servir de fondement aux décisions et, en s’appuyant sur elles, le ministère des Colonies pouvait être accusé de prendre parti dans les luttes internes des colonies. Et comme les changements politiques qui survinrent en Grande-Bretagne à la fin des années 1820 et au cours de la décennie suivante avaient entraîné des retournements dans les orientations du gouvernement impérial, correspondre avec les autorités des colonies dont les activités ne trouvaient plus grâce aux yeux du gouvernement britannique pouvait s’avérer dangereux. Le dilemme auquel Hay fit face dans les années 1830 fut donc en partie attribuable au fait qu’il partageait davantage le point de vue des gens qu’il connaissait dans les colonies que celui des gouvernements whigs qu’il servait. Sa passivité fut facilement interprétée par certains whigs comme de l’hostilité envers leurs intérêts. En outre, elle créait à la tête du ministère des Colonies un vide qui agaçait ceux qui, au ministère, étaient d’accord avec la ligne de conduite des whigs.

Ce vide était jusqu’à un certain point comblé par James Stephen qui, en tant que conseiller juridique du ministère des Colonies, remplissait déjà dans les années 1820 des fonctions qui seraient plus tard confiées au sous-secrétaire permanent. Quoique l’on connaisse bien dans ses grandes lignes la personnalité de Stephen et que Paul Knaplund ait écrit sur lui une utile biographie, tout n’a pas encore été dit sur cet homme qui, plus que tout autre, influa sur l’évolution du ministère des Colonies au xixe siècle et qui joua un rôle très important dans l’élaboration de la politique du gouvernement britannique en Amérique du Nord.

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